A la lueur de puissants projecteurs, les équipes de secours travaillaient sans relâche au milieu des énormes blocs de béton et des morceaux de ferraille, avec l’aide de chiens et de pelleteuses.
Le bilan mercredi en fin de journée était de 39 morts et 16 blessés, dont neuf dans un état grave. Mais les autorités répètent qu’il y a des disparus.
Trois enfants de 8 à 13 ans figurent parmi les morts, de même que quatre jeunes Français, trois Chiliens et un Colombien.
"Il reste évidemment l’espoir pour les secouristes de retrouver quelques survivants, mais plus le temps passe, plus c’est difficile", a déclaré à l’AFP Riccardo Sciuto, commandant des carabiniers de la province de Gênes.
Au lendemain de l’effondrement du pont Morandi, du nom de son concepteur, le gouvernement italien a décrété mercredi l’état d’urgence à Gênes. Et il a promis de révoquer la concession de l’exploitant de l’ouvrage, accusé de négligence criminelle.
A la demande de la région de Ligurie, dont Gênes est la capitale, "nous avons décrété l’état d’urgence pour 12 mois", a annoncé le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire dans la ville portuaire sinistrée.
Cet état d’urgence offre un cadre normatif pour la gestion du site et l’assistance aux plus de 630 personnes évacuées et dont les habitations, en contrebas de ce qui reste du pont, sont condamnées. Le gouvernement s’est engagé à les reloger avant la fin de l’année.
Flanqué des deux hommes forts du gouvernement, le ministre du Développement économique Luigi Di Maio et celui de l’Intérieur Matteo Salvini, M. Conte a aussi annoncé le déblocage d’une première tranche de 5 millions d’euros d’aide d’urgence, ainsi qu’une journée de deuil national.
Selon plusieurs médias, ce sera samedi, le jour où la ville de Gênes prévoit des funérailles solennelles pour les victimes, avec une messe.
Environ 35 voitures et plusieurs camions, selon la protection civile, ont été précipités dans le vide d’une hauteur de 45 mètres dans l’effondrement soudain et inexpliqué, mardi en fin de matinée, d’une portion de plus de 200 mètres du pont Morandi, un ouvrage massif en béton de la fin des années 1960 qui a régulièrement dû faire l’objet d’importants travaux d’entretien.
L’effondrement "n’est pas dû à la fatalité", a martelé le procureur de Gênes, Francesco Cozzi, venu sur les lieux, alors que l’enquête vient seulement de débuter.
M. Conte a confirmé que le gouvernement entendait révoquer la concession de la société gérant le tronçon d’autoroute, Autostrade per l’Italia (groupe Atlantia, lui-même contrôlé à 30% par la famille Benetton).
Sous le feu de violentes critiques de toutes les figures du gouvernement, la direction d’Autostrade per l’Italia, qui gère près de la moitié des quelque 6.000 kilomètres d’autoroute du pays, a affirmé mercredi le sérieux de sa surveillance de l’ouvrage.
Pour M. Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste), le pont s’est écroulé "parce que la maintenance n’a pas été faite".
"Pendant des années, on a dit que faire gérer les autoroutes par des privés était mieux que par l’Etat. Maintenant on a l’un des plus grands concessionnaires européens qui nous dit que ce pont était en sécurité", a dénoncé M. Di Maio.
Si le ministère des Transports ne compte révoquer dans l’immédiat que la concession du tronçon de l’accident, et publier sur son site internet tous les contrats de concession en cours, M. Salvini a pour sa part exigé une révision d’autres concessions publiques et la prison ferme pour les dirigeants responsables.
Le viaduc de Gênes est le cinquième pont à s’effondrer en Italie en cinq ans: deux en Sicile en 2014, dont l’un le lendemain de son inauguration, et deux autres en Lombardie et dans les Marches en 2017.
Selon Antonio Occhiuzzi, expert à l’Institut de technologie des constructions au Centre national de recherches (CNR), "des dizaines de milliers de ponts en Italie ont dépassé aujourd’hui la durée de vie pour laquelle ils avaient été conçus et construits", et nécessitent une rénovation.
Un habitant de la ville, Francesco Bucchieri, 62 ans, observait mercredi le désastre, incrédule. "Je n’arrive pas à me dire que tout cela est réel, j’ai encore l’impression que nous sommes dans un film".
Le drame s’est déroulé mardi en toute fin de matinée, sous une pluie battante, dans un énorme grondement qui avait fait craindre aux riverains un tremblement de terre.
"A un certain moment, tout a tremblé. La voiture qui se trouvait devant moi a disparu et semblait engloutie par les nuages. J’ai levé les yeux et j’ai vu le pylône du pont tomber", a raconté au Corriere della Sera le conducteur d’un camion vert resté arrêté à quelques mètres du vide. Il a d’abord mis la marche arrière, puis est parti en courant.