Galvanisé par des sondages qui le placent désormais au-dessus des 10% d’intentions de vote, le leader du Front de gauche s’exprimait au pied de l’Opéra Bastille devant une foule compacte de plusieurs dizaines de milliers de sympathisants (100.000 selon les organisateurs), au terme d’une marche citoyenne partie en début d’après-midi, sous un ciel gris et menaçant, de la place de la Nation.
"Nous sommes rassemblés parce que nous allons faire de cette élection une insurrection civique qui va, en se donnant rendez-vous dans les urnes, commencer ce jour-là la révolution citoyenne qu’il est nécessaire d’accomplir ", a lancé l’ancien sénateur socialiste en tribun expérimenté.
Elargissant son appel à l’insurrection à toute l’Europe, Jean-Luc Mélenchon a adressé son "salut fraternel () au peuple grec qui pâtit, aux Espagnols, aux Portugais, aux Italiens, à tous ceux qui ont pour l’instant sur leurs têtes le poids de l’oppression venu de l’abjecte troïka".
"Si c’est nous qui sommes appelés à reconstruire la règle du jeu de notre pays en convoquant la Constituante qui est nécessaire, alors plus jamais une seule délégation de souveraineté du peuple ne sera opérée sans qu’il ait été auparavant consulté par voie de référendum", a-t-il juré, salué par les hourras d’une foule agitant des drapeaux français et grecs, ainsi que des fanions du PCF et de la CGT.
Partisan d’une VIe République "sociale, laïque et écologique", il s’est ensuite employé à en définir les grands principes, appelant le peuple de gauche à "tourner la page, une nouvelle fois, de l’ancien régime" dans une France "défigurée par les inégalités sociales, territoriales, culturelles, entre femmes et hommes".
La nouvelle Constitution qu’il appelle de ses voeux prévoirait donc la parité, "première de toutes les égalités", les mêmes droits pour tous les couples et "le droit de disposer de soi sans entrave aucune". Outre le droit à l’avortement, il entend faire également inscrire "le droit de décider de sa propre fin et d’être assisté lorsqu’on en décide".
Jean-Luc Mélenchon s’est également prononcé pour une extension de la laïcité "à tous les territoires de la République", et une extension de "tous les territoires de la liberté", à commencer par Internet, afin qu’il ne soit "plus jamais permis de faire Hadopi".
En matière d’égalité, il a appelé à "la fin des privilèges du capital" et "l’établissement de la citoyenneté en entreprise". Il a aussi prô né la création du droit de "propriété collective humaine" de biens de base tels que l’eau et l’énergie.
Regrettant que l’indépendance de la justice soit aujourd’hui "garantie par un homme", il s’est engagé à ce qu’elle soit placée "sous la protection et l’attention du Parlement lui-même". De même il a plaidé pour le "droit du sol intégral", qu’il a qualifié de "premier devoir de fraternité humaine".
Enfin, VIe République écologique oblige, le candidat du Front de gauche a souhaité que les Français "s’astreignent par leur Constitution à s’acquitter de leur devoir en éteignant la dette écologique". Ainsi, a-t-il martelé, "plutô t que leur fichue règle d’or, qui ne concerne que leur portefeuille, nous appliquerons la règle verte, qui protège la planète!"
Pour M. Mélenchon, qui jubile de voir le socialiste François Hollande proposer une taxation à 75% des plus riches et le président-candidat Nicolas Sarkozy promettre d’imposer les exilés fiscaux, ce rassemblement n’était qu’une "étape" vers le "grand rendez-vous de la révolution citoyenne".
"Je vous appelle à commencer ce printemps des peuples", a-t-il exhorté, tandis que la foule scandait "président, président!". "Ouvrez en France par vos bulletins de vote la brèche par laquelle ensuite passera le vote des Grecs, puis en octobre prochain celui de nos camarades allemands qui souffrent des merveilles du prétendu modèle libéral".
"Mettez à la mode la couleur rouge", a encore lancé celui qui s’imagine en dernier président de la Ve République, invitant enfin les Français à "organiser la réplique du 18 mars à la Bastille" partout dans le pays.