Emergence d’une élite marocaine en Italie: un ilot d’espoir dans un océan de déceptions

Emergence d’une élite marocaine en Italie: un ilot d’espoir dans un océan de déceptions
On les dit analphabètes, paysans (au sens péjoratif que certains continuent à donner à ce terme), non intégrés (en fait, qu’est-ce que cela veut dire ?) … Les membres de la communauté marocaine en Italie sont taxés de tous les qualificatifs et toutes sortes de préjugés leur sont collées. Une simplification qui, malheureusement, façonne l’idée forgée d’eux dans le conscient et subconscient collectifs et qui n’est pas sans répercussions sur le traitement qui leur est réservé.

En Italie, ils sont traités de «marocchini», un terme qui, loin de constituer une référence au Maroc, renvoie plutôt à une image chargée de mépris désormais ancrée dans les esprits, celle d’une caste d’émigrés de seconde zone, de quelque nationalité que ce soit, vivant à la marge, à la limite dangereuse et donc infréquentable.

Ils en sont conscients et ils le ressentent amèrement. Les aéroports –pour ceux qui ont le privilège de voyager en avion- et les ports, notamment celui de Gênes d’où embarquent la majorité des Marocains de retour au pays, constituent les lieux par excellence d’une thérapie de groupe qui permet, loin de tout fard trompeur ou de mise en scène perfide, de mesurer l’énormité du dégoût éprouvé par les uns et les autres et l’ampleur de la désillusion qu’ils vivent au quotidien.

Se rendant à l’évidence après avoir été, pour une bonne partie d’entre eux, bernés par le rêve italien, ils se lancent: si c’était à refaire… une amertume qu’ils voudraient partager par anticipation par ceux, notamment parmi les jeunes au Maroc, qui continuent à être obnubilée par «Taliane», synonyme pour eux d’Eldorado, de réussite, d’argent et de consécration.

Rien de cela ! tranchent-ils pour la plupart en détaillant les multiples motifs de leur désenchantement aux plans personnel et familial et la maigreur de leur moisson après des années de dur labeur, outre les dégâts collatéraux subis par leur progéniture aux niveaux identitaire et communicationnel.

Leur dépit est exacerbé par les effets pervers de la crise économique qui en fait les premières victimes des faillites et restrictions enregistrées ça et là ainsi que par la politique politicienne et les calculs électoralistes (de la part notamment du parti gouvernemental anti-immigrés, la ligue du Nord, et son outil d’exécution, le ministère de l’intérieur) mettant en avant les considérations d’ordre sécuritaire génératrices de peurs et d’angoisses et laissant à penser que l’immigration était la source de tous les maux dont souffre la société italienne.

Le discours alarmiste colporté par certains sur la menace terroriste n’est pas pour arranger les choses à un moment où tout un arsenal juridique et une lourde logistique ont été mis en place depuis maintenant plusieurs mois, pour resserrer l’étau autour des immigrés illégaux. Le climat de méfiance qui s’en est suivi fait presque de chaque émigré, un clandestin en puissance jusqu’à ce que le contraire soit prouvé. Les contrôles impromptus et les «interrogatoires» subis à l’occasion de l’établissement ou du renouvellement de la carte de séjour sont, entre autres, révélateurs de la pesante suspicion qui ajoute au malaise vécu par les populations émigrées, même celles établies de manière tout à fait légale (près 430 mille Marocains résident régulièrement en Italie).

Tout cela dans un pays lui-même de tradition migratoire mais où, malheureusement, la myopie politique dont certains font montre au sujet de la question de l’immigration fait figure de grave pathologie eu égard à la chance que cela leur fait perdre d’anticiper en particulier les problèmes liés à la dénatalité et, donc, à la carence en main d’œuvre qui ne manqueront pas de se poser avec insistance à l’Italie dans les prochaines années.

Un ilot d’espoir subsiste cependant dans cet océan de déceptions, celui de l’émergence en cours d’une élite marocaine qui peut à échéance influer sur le cours des événements.
Faite d’universitaires, de médecins, d’avocats, d’hommes politiques, de hauts fonctionnaires des organisations internationale établies à Rome (FAO, PAM et FIDA), de journalistes, de commerçants, d’entrepreneurs, d’étudiants…cette élite est en train de se faire une place au soleil.

La parole lui a été donnée lors d’une réunion de grande communion tenue en septembre dernier dans la capitale italienne à l’initiative du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME).
Une noble initiative qui visait à identifier les compétences marocaines, à recueillir leurs points de vue et à faire en sorte que des dynamiques de mobilisation soient créées qui leur permettraient de se constituer en réseaux et de devenir de véritables forces de proposition.

Comme leurs aînés et compatriotes, ils sont indéfectiblement attachés à leur pays et sont déterminés à le servir et à soigner son image de marque et à travers lui, celle de ses ressortissants.
Ce faisant, ils réhabiliteront les pionniers dont les conditions de vie étaient souvent difficiles et donneront à tous les acteurs de la société italienne la juste mesure de leurs aptitudes et de leur génie.

L’œuvre a été entamée. Elle compte avec le soutien de l’ambassadeur du Maroc, Hassan Abouyoub, un homme de culture et de grande expérience qui semble avoir beaucoup de visibilité sur ce qu’il entend entreprendre. Il faudrait maintenant que cette œuvre se poursuive. L’engagement en été pris à Rome.

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