La star déchue du FMI garde le masque. Mais derrière la carapace, ses amis expliquent que l’homme est "brisé". "Pour la première fois ces derniers jours, il m’a dit qu’il fallait qu’il se fasse soigner. Il a admis qu’il était malade… " confie, sous couvert du plus strict anonymat, un des rares avec lequel il déjeune encore. "Il se ronge les ongles au sang, dévore jusqu’à la peau de ses doigts, et passe ses journées à ne rien faire, incapable, dit-il, de se concentrer sur un livre, refusant d’ouvrir la télé ou de lire les journaux… Seules les équations de maths le calment, mais son emploi du temps est vide." Un seul rendez-vous cette semaine, avec Henri Proglio, le patron d’EDF et Jean-Marie Le Guen. "Pas de commentaire", réagit le député PS de Paris, un des derniers strauss-kahniens.
"De longues minutes dans le vague"
Depuis le début de l’affaire du Carlton, les autres éléphants socialistes se sont détournés. Ni Fabius, ni Royal, ni Aubry, pourtant attentionnés cet été, n’ont plus donné de nouvelles. "Lui, qui mettait deux jours avant de répondre à un SMS, répond maintenant dans la minute et il n’est plus en retard au restaurant. Mais il est l’ombre de lui-même. Un ressort s’est cassé", admet un proche. Quand il a été seul une dizaine de jours, jusqu’au 6 novembre, Anne Sinclair étant resté à Marrakech, certains se sont même inquiétés et ont organisé "une rotation" de visites. "II reste parfois de longues minutes dans le vague", confie un de ses anciens camarades. Pour preuve, cette anecdote, lors d’un déjeuner avec Manuel Valls. DSK, dans son coin, semble perdu dans ses pensées et un convive lui demande son avis sur la crise. "Strauss s’est comme réveillé et a parlé un quart d’heure sur l’État du monde, un discours brillant, mais quand il s’est arrêté, il y a eu un malaise, un blanc… Il a repris la parole pour dire “bon voilà”, et on est passé à autre chose", a raconté Valls à des amis.
Dr Strauss et Mister Kahn. Le brillant patron du FMI d’un côté et le compagnon de virées de "Mme Dodo la Saumure" de l’autre. Comment le meilleur candidat du PS, désormais sous la menace d’une garde à vue et de mises en examen pour complicité de proxénétisme et recel d’abus de biens sociaux, a-t-il pu en arriver là? "Comment a-t-il pu imaginer qu’il serait président en flirtant depuis si longtemps avec la ligne rouge?" s’interroge un de ses proches, refaisant le film de ces trois dernières années à la lumière des textos et des parties fines financées par le groupe Eiffage et ses compagnons échangistes du Nord…
Pour ses intimes, DSK, après le sérieux avertissement de l’affaire Piroska Nagy, en 2008, qui avait déjà failli lui coûter son couple et sa place au FMI, avait juré qu’il changerait. Comme il avait effectivement renoncé à toute maîtresse attitrée en prenant ses fonctions à Washington. "Il avait deux systèmes de défense quand on lui reprochait son comportement avec les femmes, admet pour la première fois un de ses proches. Soit il disait qu’il avait arrêté son côté lourdingue, branchant toute femme à sa portée, selon son adage, “t’en branche dix, y en a une qui marche”. Soit il disait en souriant que c’était un mode de vie, que beaucoup de gens pratiquaient l’échangisme, des sportifs, des artistes, que c’était une attitude libertine des années 1970, comme dans Les Bronzés."
Avec le recul, personne n’en sourit plus. Ces mêmes amis constatent aujourd’hui que leur champion, au lieu " d’arrêter de déconner", comme il leur avait promis après l’épisode Nagy, s’était au contraire installé dans une clandestinité "gore et glauque", de rendez-vous en rendez-vous avec les professionnelles du réseau lillois. "Toutes les dates de SMS et de rendez-vous semblent coller soit avec son emploi du temps du FMI, soit avec des absences d’Anne des États-Unis", soupire un proche. "Dominique est un compulsif : lui qui voulait tout le temps maigrir, il était capable de dévorer un kilo de cacahuètes. Là, personne ne l’a vu rentrer dans cet autre monde. D’ailleurs, les échanges de SMS montrent qu’il était en circuit fermé avec cet autre univers."
Selon ces mêmes proches, Anne Sinclair, "comme nous tous", est passée ces dernières semaines par un état de sidération. "Elle a connu un passage à vide ; extrêmement fatiguée, elle ne voulait plus voir personne, elle ne supportait pas de voir son nom dans un journal", confie une amie. "Férue de psychanalyse, elle a recommencé un travail sur elle-même", ajoute cette intime. Va-t-elle désormais faire sa vie sans lui, comme le suggérait Le Figaro vendredi, écrivant qu’elle avait même demandé "le remboursement des frais d’avocats américains et de la location de la maison de Tribeca"? "Fadaises", réagit un des intimes du couple.
"Personne ne l’a vu entrer dans cet autre monde"
N’empêche, l’affaire du Carlton, semble avoir rebattu les cartes. À leur retour de New York, le projet initial du couple Strauss-Kahn était de prendre une année off, de voyager à travers le monde, de conférence en conférence. Ces retrouvailles post-Sofitel ne semblent plus à l’ordre du jour. Anne Sinclair va effectivement "cesser d’être Mme Strauss-Kahn pour redevenir Anne Sinclair". Elle a décidé d’écrire un livre sur l’affaire. "Elle s’est remise à l’écriture avec Dan Frank, pour donner sa vision des choses", confie une amie. Certains risquent d’en prendre pour leur grade.
Après plusieurs rendez-vous avec Matthieu Pigasse, un des actionnaires du Monde, elle a aussi accepté de participer au site Huffington Post… "Cela devrait se faire, on est en train de finaliser l’équipe", confie-t-on dans l’entourage de Matthieu Pigasse. "En fait, elle va reprendre sa vie de journaliste interrompue pour son mari… Elle va quitter les habits de Mme DSK et se reconstruire. Et puis elle n’a pas beaucoup d’estime pour ceux qui se sont détournés d’eux, elle ne leur fera pas ce plaisir d’abandonner Dominique maintenant", veut se persuader ce proche, même si, avise-t-il, "les choses peuvent encore changer dix fois…"
Prochaine étape? Les juges de Lille vont entendre DSK. "Nous demandons à pouvoir nous expliquer, c’est une campagne de lynchage médiatique", déplore de son côté son avocat, Me Henri Leclerc. Dominique Strauss-Kahn attend la convocation. Ou un coup de sonnette de la police pour une éventuelle perquisition et une garde à vue. Un petit matin glauque, à l’aube.