Cyclisme : «Je peux encore progresser»
De retour des Championnats du Monde de Ballerup, Grégory Baugé nous a accordé un long entretien. Dans cette première partie, le Guadeloupéen revient sur son deuxième titre mondial en vitesse individuel.
Grégory Baugé : Ça fait chaud au cœur. Ça me fait sourire aussi parce que je ne me rends pas vraiment compte encore de ce que j’ai réalisé. Gagner une fois, c’est déjà bien. C’est dur aussi. Conserver son titre, c’est autre chose. Ces quinze dernières années, il n’y a que Theo Bos et Florian Rousseau qui ont réalisé le doublé. Maintenant, c’est moi. Mon coach, mes proches me disent que c’est quelque chose de fort. Pour moi, ça reste une victoire. Alors, oui, c’est vrai, c’était aux Championnats du Monde. Mais même si ça ne s’est pas forcément vu sur la piste, à l’intérieur, je suis fou (sourire).
Sport24.com : Comparé à 2009, quel titre a été le plus fort ?
Grégory Baugé : Pour moi émotionnellement, le premier était le plus fort. Le deuxième, comme mon coach me l’a dit, j’y ai mis la manière. Je sors le champion olympique en quarts de finale. Je réalise le meilleur temps sur 200m lancé. Je réalise le meilleur temps de l’histoire en match. Je sais que c’est quelque chose de fort. Mais même si on dit que le plus dur c’est de confirmer, pour moi, le premier titre reste le plus fort. Ce n’est pas que c’est de la lassitude. Je n’ai que 25 ans. J’ai la tête sur les épaules. Je ne vais pas m’arrêter là.
Sport24.com : Pourtant, les Championnats du Monde ont commencé par une déception avec la médaille d’argent en vitesse par équipes. Dans quel état étiez-vous à ce moment-là ?
Grégory Baugé : Au départ, j’avais plutôt de bonnes sensations. Je m’attendais à être proche de mon record en démarreur, voire à le battre. Et en fait, je ne l’ai même pas approché. En finale, je fais même un moins bon temps qu’en qualifs. Oui, j’étais frustré parce que c’est moi qui lance l’équipe et si je ne lance pas bien les gars, il n’y a plus de marge d’erreur. On a parlé de cette chute à Pékin en Coupe du Monde qui a fait que je n’ai pas pu m’entraîner comme je le voulais. Sans doute, cela a joué.
Sport24.com : Dès les séries de la vitesse individuelle, vous claquez le meilleur temps des qualifications. Est-ce que cela vous a rassuré ?
Grégory Baugé : J’ai eu deux jours de repos pour préparer la vitesse individuelle. Mais dès la fin de la vitesse par équipes, c’était du passé. Je suis arrivé confiant, sûr de moi même si peu de personnes pensaient que j’allais monter sur le podium. Parce que je n’avais fait qu’une seule Coupe du Monde, et encore à moitié à cause de ma chute, et par rapport à d’autres coureurs qui étaient présents. On est arrivé une semaine avant les Championnats du Monde. J’ai vu que petit à petit, les sensations revenaient. J’étais sûr de moi.
Sport24.com : Viennent ensuite les quarts de finale. Quelle est votre réaction quand vous apprenez que vous tombez contre Chris Hoy ?
Grégory Baugé : En fait, ça m’a fait sourire. Du fait qu’il ait dû passer par les repêchages, je savais qu’il y avait de grandes chances que je le retrouve. Je me dis que c’est la finale avant l’heure, que c’est une étape à passer, une grosse étape. En même temps, j’avais réalisé le meilleur temps lancé devant lui. Moi, j’avais envie de me mesurer à lui, surtout sur une finale. On entend tout le temps parler, notamment par vous les journalistes, de «Sir Hoy, Sir Hoy, c’est lui le meilleur». J’avais envie de me confronter à lui, de montrer que ce n’était pas un surhomme. D’ailleurs, je pense qu’il est temps pour lui d’arrêter (sourire).
Sport24.com : Et là, plus rien ne pouvait vous arrêter…
Grégory Baugé : Je savais que pour aller chercher un maillot, il fallait passer par des mecs comme Chris Hoy ou Kévin Sireau. Arrivé en finale… (sourire) J’ai deux manches à faire, voire trois. Mais, moi, j’étais parti pour faire deux manches ! Je savais que le plus dur était passé. Dans ma tête, l’objectif c’est la première marche. Je n’ai pensé qu’à ça.
Sport24.com : La vitesse individuelle est une discipline qui requiert de l’expérience. Estimez-vous que vous êtes au sommet de votre art ?
Grégory Baugé : Je n’ai que 25 ans. En vitesse, on atteint notre meilleur niveau vraiment à partir de 27, 28 ans. Oui, je peux encore progresser. Tout ce qui est avant les Jeux, ce sont des étapes qu’il faut passer. Je ne suis pas imbattable, je ne suis pas un surhomme. Dans notre sport, ça ne se joue à rien. Mes échecs m’ont apporté de la maturité, de l’expérience. Sur ces Championnats du Monde, j’ai été le plus fort. J’espère que je serai au top du top à Londres.