Coronavirus: Macron affiche l’Afrique comme autre priorité

En plaidant pour une annulation de sa dette, Emmanuel Macron veut « aider » l’Afrique à affronter la crise du coronavirus et se place ainsi en champion de la coopération internationale face à l’isolationnisme des Etats-Unis et à l’opération de charme lancée par la Chine sur le continent.

« Nous devons absolument aider l’Afrique à renforcer ses capacités à répondre au choc sanitaire et a fortiori l’aider sur le plan économique », a expliqué le chef de l’Etat dans un entretien à RFI diffusé mercredi.

Lundi soir, il avait surpris en appelant, lors de son allocution aux Français, à annuler « massivement » la dette des pays africains pour qu’ils puissent lutter « plus efficacement » contre la crise sanitaire.

La pandémie semble jusqu’à présent moins toucher l’Afrique que le reste du monde, avec un total de quelque 16.200 cas officiellement recensés pour près de 900 morts, selon un décompte de l’AFP. Mais Emmanuel Macron a appelé à la prudence, en disant ne vouloir être « ni catastrophiste, ni naïf » car ce virus « touche tout le monde ».

Pour Paris, la crainte existe que l’Afrique soit touchée de plein fouet au moment où l’Europe en sortirait, avec le risque d’une possible recontamination.

A l’Elysée, on insiste cependant sur « la bonne réaction » de nombreux pays africains. « J’ai beaucoup parlé avec mes partenaires africains pour qu’ils décident au maximum des confinements et qu’ils retardent l’épidémie: plus ils la retardent, plus les Européens sont en situation de leur apporter de l’aide, parce qu’on n’aura pas le pic épidémique au même moment », a expliqué Emmanuel Macron.

Le président français a notamment échangé avec son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa, dont le pays préside l’Union africaine, et trois autres chefs d’Etat avec lesquels il a noué des « relations privilégiées » selon l’Elysée: l’Ethiopien Abiy Ahmed, le Rwandais Paul Kagamé et le Sénégalais Macky Sall. Ce dernier a d’ailleurs salué comme une « marque de solidarité internationale » le soutien d’Emmanuel Macron à la « stratégie d’annulation de la dette des pays africains » qu’il avait présentée la semaine dernière.

 « Suspension de la dette »

Après s’être accordé, le 3 avril, avec dix dirigeants africains sur la nécessité d’un effort commun face au virus, le président français a cherché à y associer des pays européens et la Commission. Et ce sont 18 chefs d’Etat, de gouvernement et d’institutions internationales des deux continents qui ont lancé un appel commun à des « mesures d’exception » en faveur de l’Afrique, dans une tribune publiée mercredi dans le Financial Times et Jeune Afrique.

Mercredi, les ministres des Finances et les banquiers centraux du groupe G20 ont donné leur aval mercredi à une suspension immédiate et pour une durée d’un an de la dette des pays les plus pauvres, dont une quarantaine de pays africains.

Une « avancée historique », selon Paris, qui reste cependant très en-deçà de l’objectif fixé par Emmanuel Macron et défendu par nombre d’ONG – même si le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire assurait dès mardi qu’un moratoire était « une étape majeure et un succès important pour la France ».

« Si Emmanuel Macron ne prenait pas ce leadership sur l’Afrique, personne ne le ferait en Europe », souligne l’un de ses conseillers. Car « il est le seul, parmi les Européens, à avoir une relation directe avec une dizaine de chefs d’Etat africains ».

L’expert Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute à Dakar, voit dans la démarche d’Emmanuel Macron « une nette volonté de faire avancer les choses dans un moment difficile où certains pourraient voir les priorités ailleurs », notamment sur le seul plan national.

Mais l’appel des 18 dirigeants à s’appuyer sur les institutions internationales face à la pandémie se heurte de plein fouet à la suspension, annoncée mardi par Donald Trump, de la contribution des Etats-Unis à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Une décision aussitôt dénoncée par l’ONU et de nombreuses capitales.

Depuis le début du quinquennat, le président français cherche à relancer les relations franco-africaines, traditionnellement complexes, sur de nouvelles bases. Après avoir acté en décembre la fin prochaine du franc CFA, il devait en tirer un bilan lors du sommet France-Afrique prévu en juin à Bordeaux mais reporté en raison de la crise sanitaire.

La France peine à garder son influence en Afrique face aux offensives d’autres puissances comme la Russie et surtout la Chine, particulièrement active depuis le début de la crise avec des envois de matériel et d’équipes médicales.

L’Elysée affirme que l’initiative lancée cette semaine n’est pas « une réponse à l’offensive chinoise en Afrique », tout en appelant à « éviter que chacun fasse de la surenchère à la visibilité dans l’aide à l’Afrique ».

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