Boubakeur, comme Chebel, pointent du doigt le manque de mosquées. Il y aurait en France, pour environ 5 millions de musulmans, autour de 2000 lieux de cultes (mosquées et salles de prières confondues). Et une centaine en région parisienne selon Boubakeur qui note que l’"islam des caves" n’a pas disparu même s’il régresse. Selon le recteur de la Mosquée de Paris, sur ces 2000 lieux on dénombre 4 à 500 mosquées. "La France a pris un retard abyssal. Elle a découvert tardivement que les quatre millions d’ouvriers qu’elle avait depuis longtemps sur son territoire étaient aussi des musulmans, avec une âme et une spiritualité", souligne Chebel. "Quand on arrivera à 3000, il y aura une sérénité plus grande", espère Boubakeur. Actuellement, selon Chebel, on ne compterait pas plus d’une dizaine de projets de construction de mosquée.
Un problème reconnu par Fillon
En juin dernier, en déplacement pour l’inauguration d’une mosquée, François Fillon n’esquivait pas ce problème. "Je sais bien qu’il reste des difficultés, et en particulier dans les zones où le prix du foncier est très élevé. Pour permettre aux fidèles de prier non plus dans la rue, mais dans des conditions dignes, des solutions ponctuelles peuvent aussi être trouvées (…)", déclarait-il. Et de préciser que la liberté de culte "ne se résume pas à l’expression individuelle de conviction religieuse. Elle inclut aussi le droit de disposer des biens nécessaires à l’exercice du culte."
L’une des difficultés majeures pour la construction de ces mosquées reste le financement. "Il est aléatoire car les dons des croyants ne sont pas faramineux. Les musulmans, comme tous les autres, subissent la crise. Et puis, une partie des déboires que les promoteurs de mosquée ont connus tient au fait qu’ils n’avaient pas des comptes très clairs. A l’époque, ils allaient chercher de l’argent un peu partout, notamment en Arabie Saoudite, ce qui nous a porté préjudice. Certains projets ont été bloqués à cause de cela", explique Chebel.
"L’Etat peut inciter à la construction"
La France étant un pays laïc, elle ne subventionne aucun culte. "Différentes corrections ont été imaginées par les pouvoirs publics, explique Boubakeur : par exemple, demander aux mairies de mettre à disposition des baux emphytéotiques, c’est-à -dire des locaux qui seront mis à la disposition des associations tout en étant soumis à un certain contrôle. Cela existe de façon assez courante". En juin dernier toujours, François Fillon avait aussi évoqué la possibilité de demander aux départements et communes de garantir leurs emprunts.
"L’Etat peut inciter à la construction", renchérit Chebel. Comment?: "En accordant des terrains et en ne s’opposant pas aux propositions qui existent, poursuit-il. Concernant la dizaine de projets dont j’ai parlés, la plupart sont bloqués par les municipalités. On ne peut pas à la fois demander aux musulmans d’avoir une lisibilité en termes de foi et de pratiques et en même temps toujours les recaler quand ils proposent des dossiers" conclut l’anthropologue.