Boualem Sansal : « Un scénario syrien est possible en Algérie »

Dans son roman d’anticipation 2084, le grand écrivain algérien imaginait un monde dominé par l’islam radical. Dans un entretien avec Le Figaro de ce mercredi, Il se montre tout aussi pessimiste pour l’avenir de l’Algérie. Selon lui, le scénario d’une escalade de la terreur sur le modèle syrien en Algérie est tout à fait crédible

Le scénario d’une escalade de la terreur sur le modèle syrien en Algérie est tout à fait crédible, a dit Boualem Sansal, relevant que la gestion financière et psychologique catastrophique du pays pourrait déboucher sur une crise multidimensionnelle à la fois économique, politique et religieuse.

"Pendant les seize dernières années, le régime algérien a acheté la paix sociale en faisant vivre les Algériens au-dessus de leurs moyens sans même avoir besoin de travailler", a-t-il souligné, indiquant qu’il y a des émeutes quotidiennes en Algérie et que la seule réponse du pouvoir est d’"arroser" la population.

"Pour l’instant, celle-ci en profite. Mais la manne n’est pas infinie. Que se passera-t-il lorsque celle-ci sera épuisée ?" s’est demandé l’écrivain, estimant que le pouvoir résistera à tout parce qu’il n’hésitera pas à réprimer avec violence comme le fait Bachar el-Assad en Syrie.

"S’il se sent débordé, il fera tirer sur la population. Si cela ne suffit pas, il internationalisera l’affaire en y mêlant les islamistes", a-t-il affirmé, relevant que le problème politique sera transformé en problème religieux et exporté hors des frontières algériennes jusqu’en Europe, et singulièrement en France.

"Les islamistes étrangers, ceux de Daech ou d’al-Qaida, sont en embuscade. Mais il faut aussi compter avec les islamistes algériens. Ces derniers ont fait un deal avec le pouvoir", a-t-il fait remarquer, notant qu’ils partagent avec l’Etat la rente pétrolière et sont introduits dans les rouages de l’administration.

Selon l’écrivain, "Bouteflika leur a cédé la «gestion» du peuple. Dans les petites villes et les villages, ils sont maîtres du jeu et font régner leurs règles théocratiques terrifiantes. Ces seize dernières années, il s’est construit plus de mosquées dans le pays que durant tout le siècle".

Pour Sansal, Pour ne pas être totalement dépendant des militaires, Bouteflika a ouvert la porte aux islamistes. "La future grande mosquée d’Alger est un gage donné à ces derniers. Le gigantisme du projet traduit également la mégalomanie de Bouteflika. C’est pour lui, une manière de marquer l’Histoire, quitte à livrer le pays aux fondamentalistes".

Boualam Sansal a aussi estimé que le contexte d’éclatement général dans le pays ouvre la porte à toutes les aventures, expliquant que la Kabylie, qui est marginalisée et persécutée pourrait être tentée par une proclamation d’indépendance, alors que le Sud est dans une situation explosive, avec des tensions séparatistes notamment chez les Touaregs.

"En ce moment même, la région du Mzab est le théâtre de guerres tribales. Enfin, la question de la jeunesse est préoccupante", a-t-il poursuivi, estimant que si tous ces mouvements coagulent, il y aura "un printemps algérien sur fond de vengeance et de ressentiment. Celui-ci sera suivi d’un hiver islamiste".

L’écrivain a par ailleurs souligné que s’il y a une explosion de l’Algérie, l’Europe sera confrontée à un mouvement migratoire de masse qu’elle ne pourra pas maîtriser.

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