Attentat dans une église : un risque de « radicalisation » chez les catholiques

Selon l’historien des religions Odon Vallet, l’assassinat d’un prêtre près de Rouen pourrait exacerber les tensions communautaires.

Source AFP

Après l’attentat commis mardi dans une église à Saint-Étienne-du-Rouvray, près de Rouen, où un prêtre a été égorgé, il faut prévoir un risque de « radicalisation d’une partie de l’opinion catholique », dont la communauté musulmane pourrait être victime, estime l’historien des religions Odon Vallet, auteur d’un Petit Lexique des guerres de religion d’hier et d’aujourd’hui (Albin Michel).

Êtes-vous surpris par cette attaque dans une église ?

« Non, pas du tout, les terroristes s’en prennent à la fois à la France laïque et à la France catholique. Il était hélas logique qu’un prêtre en fût la victime. Après la tentative ratée à Villejuif (Val-de-Marne) en 2015, malheureusement, là, ça a réussi. Les conséquences émotionnelles sont considérables. Le cadre où cela s’est déroulé est celui de milliers de petites villes et bourgades. Ce n’est plus seulement Paris ou une grande ville comme Nice, c’est une bourgade de la France profonde avec une église catholique comme il y en a des dizaines de milliers. Il y a tout à coup une irruption de la violence.

Un prêtre tué dans sa propre église, c’était arrivé pendant les guerres de religion au XVIe siècle, mais jamais récemment en France pour un motif religieux. Il y a eu des prêtres français tués en Algérie, les moines de Tibéhirine ou l’évêque d’Oran, Mgr Pierre Claverie (tués en 1996), mais c’était hors du territoire. »

Quelles peuvent être les conséquences de cet attentat au sein de la communauté catholique ?

« Le vrai risque, c’est une radicalisation d’une partie de l’opinion catholique, dont une part non négligeable déjà vote Front national. Désormais, il pourrait y avoir une opinion catholique, non pas unanime, mais assez importante qui demande des actes plus forts à l’égard de l’islamisme violent, avec le risque de s’en prendre à la communauté musulmane. Et c’est ce que cherche Daech : diviser et dresser musulmans contre catholiques, sachant que la France est la patrie des croisades. »
Que peuvent dire, et faire, les responsables religieux pour éviter de telles divisions ?

« Mgr Dominique Lebrun, l’archevêque de Rouen, est un homme très modéré, très ouvert. Je pense qu’il est parfaitement conscient des risques de radicalisation et qu’il fera tout pour les éviter. Cela étant, on ne peut pas nier qu’une partie de l’opinion catholique est tout à fait ouverte à cette radicalisation, celle qui n’apprécie déjà pas beaucoup les messages du pape François sur les migrants et les appels au dialogue et la coexistence des religions.

La plupart des musulmans, eux, adoptent aujourd’hui un profil bas parce qu’ils désapprouvent totalement ces horribles attentats, mais en même temps il est très difficile pour eux de s’associer à ceux qui, sous prétexte de lutter contre l’islamisme violent, veulent aussi lutter contre l’islam, le voile, etc. Ce n’est vraiment pas évident pour les leaders musulmans de définir une ligne de conduite. »

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