Athlétisme (100 m) : Gatlin, la victoire du mal-aimé

Imperturbable aux suspicions qui l’accompagnent depuis son retour au sommet après quatre ans de suspension pour dopage, la victoire de l’Américain Justin Gatlin, tombeur samedi à Londres d’Usain Bolt en finale du 100 m des Mondiaux-2017, jette le trouble sur l’athlétisme mondial.

Les sifflets du stade olympique de Londres qui ont accompagné le sacre du vétéran US (35 ans) traduisent bien le malaise suscité par ce succès aux dépens de l’idole jamaïcaine au CV sans tâche. Car que faut-il comprendre de la trajectoire de cet athlète, ambitieux jusqu’au bout des pointes, arrogant comme les sprinteurs américains peuvent parfois l’être, et revenu au top de la hiérarchie mondiale par l’addition de clémences dans le système répressif de la lutte antidopage ?

Il n’est rien, en 2001, quand déjà son nom est associé à un contrôle positif.

Le Kid de Brooklyn, à New York, n’a pas encore 20 ans. Mais il se dit hyperactif. C’est du moins sa justification à la présence d’amphétamines dans son corps.

La Fédération internationale se penche sur le cas de cet espoir du 110 m haies, et accède à ses arguments: il n’écopera que d’un an de suspension.

Ses foulées peuvent donc continuer à s’allonger à partir de 2002, au point que son allure lui vaudra le surnom de "Guépard".

Gatlin joue les victimes

Et la première carrière de Gatlin est lancée: l’Américain court vite, très vite.

En 2004, à 22 ans, il devient champion olympique du 100 m. Il voit double l’année suivante, avec deux médailles d’or aux Mondiaux d’Helsinki sur 100 et 200 m.

Gatlin poursuit son ascension jusqu’à égaler le record du monde d’alors (9.77) à Doha, au Qatar, le 12 mai 2006.

Mais la supercherie est démasquée: trois mois plus tard, Gatlin annonce avoir été contrôlé positif à la testostérone.

Il adopte alors ce qui reste son leitmotiv, encore aujourd’hui: il n’est en rien fautif, il est victime d’un complot ourdi par son masseur.

L’inflexibilité du sprinteur est troublante, au point que quatre ans plus tard, de retour de suspension, Gatlin déclarera: "Je ne regarde pas en arrière. Coupable ou pas, j’ai tourné la page".

Coupable ou pas, Gatlin a en tout cas collaboré avec les instances antidopage, suffisamment pour que sa peine, fixée dans un premier temps à huit ans, soit réduite de moitié.

Sans clémence, il n’y aurait pas d’histoire Gatlin.

Lui s’engouffre dans la brèche après un sporadique passage au football américain, et la deuxième carrière de l’Américain en athlétisme peut donc démarrer à l’été 2010.

The show must go on

Elle a pour credo "le show". Pas de repentance, pas d’excuse, ce n’est pas le genre de la maison. Mais du spectacle, car "c’est ça que veulent les gens", assène-t-il.

"Vous devez bien comprendre que le monde de l’athlétisme ressemble un peu à un feuilleton à l’eau-de-rose… mais avec des piques", note le sprinteur en 2012. "Des gens m’adorent, d’autres me détestent… Mais tout le monde veut voir de la grande compétition".

En son absence, le Jamaïcain Usain Bolt a tout explosé. La Foudre sera donc son aiguillon, et le phoenix va effectivement renaître de ses cendres.

Champion du monde en salle sur 60 m en 2012, médaillé de bronze quelques mois plus tard sur le 100 m des JO de Londres, vice-champion du monde de la discipline reine en 2013 puis 2015, dauphin de Bolt aux JO de Rio, Gatlin a donc réussi le come back du siècle avec ce titre mondial sur 100 m, douze ans après celui d’Helsinki.

Reste une question, en suspens et pourtant essentielle: comment Gatlin peut-il courir aussi vite à 35 ans qu’à l’époque où il se dopait ?

"Je n’ai jamais eu de blessure, et je me suis trouvé éloigné du sport pendant quatre ans. Mon corps s’est reposé et se sent comme celui de quelqu’un de 27 ans, plutôt que comme celui d’un sprinteur de 33 ans", avait répondu Gatlin à l’AFP en 2015.

afp

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