Arnaud Montebourg s’est empêtré dans le mot «impétrant»

L’avocat Arnaud Montebourg s’est trompé en empruntant à tort "impétrants" au vocabulaire juridique pour qualifier Martine Aubry et François Hollande, les deux finalistes de la primaire socialiste.

En tout cas, drapé dans ses 17%, le Bourguignon a sorti de l’oubli ce "joli mot qui oblige à ouvrir un dictionnaire", comme l’a dit perfidement l’aubriste Laurent Fabius.

"Je pense qu’il a voulu trouver un mot que les gens ne connaissaient pas et qui faisait savant… Il a voulu utiliser un mot pour son effet, mais sans le maîtriser complètement", estime le linguiste Alain Rey, un peu "étonné parce que, d’habitude, c’est l’un des candidats dont les discours sont les mieux formulés".

Car si Montebourg utilisait "impétrants" comme synonyme de candidats, il a fait un contresens à 180 degrés puisque le mot signifie justement l’inverse: l’impétrant, selon le Petit Larousse, c’est "la personne qui obtient de l’autorité compétente quelque chose qu’elle a sollicité", comme un diplôme, une charge ou un titre.

Autant dire que l’impétrant, ce sera le candidat socialiste qui aura obtenu l’investiture pour la présidentielle, après l’avoir sollicitée auprès de l’électorat socialiste.

Arnaud Montebourg a raté son effet de manche, mais il a des excuses, d’abord parce que tout le monde commet la même erreur, et ensuite parce que même Alain Rey reconnaît que ce mot est "extrêmement bizarre".

Comme une grande partie des termes français, il a son origine dans le latin, explique-t-il.

"Impetrare" veut dire arriver à ses fins, obtenir quelque chose, mais au fil des siècles, s’est instauré "un jeu pervers entre le fait d’obtenir et celui de solliciter".

Car si le verbe veut dire "obtenir", celui qui a "obtenu" devrait logiquement être "l’impétré", d’après l’adjectif signifiant que l’action est réalisée, et non pas l’impétrant, tiré d’un participe présent qui implique généralement que l’action est en cours, en train de se faire mais n’est pas accomplie.

"C’est étrange parce qu’impétrant est un participe présent qui devrait donc signifier celui qui sollicite. C’est bizarre, je n’ai pas d’explication", admet le linguiste.

C’est en tout cas très probablement la raison du contresens généralisé.

Et si Martine Aubry et François Hollande étaient malgré tout des impétrants?

Certes, ni l’un ni l’autre n’a encore gagné le second tour des primaires, mais ils sont en revanche tous deux les vainqueurs du premier tour.

"C’est jouable comme interprétation", admet Alain Rey. Ils seraient "les deux impétrants d’un concours dont le premier et le second candidats sont admis et les autres éliminés. Il y aurait alors cette idée d’être investi, qui effectivement est plus compréhensible".

L’idée, "un peu ironique", serait alors pour Montebourg "de les ramener à l’état de celui qui obtient un petit diplôme", interprète le linguiste.

Auquel cas, "cela ne me paraît pas être du très bon usage", tranche-t-il.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite