Et pourtant il y quelques chose de particulièrement original dans la visite qu’effectue Alain Juppé en Algerie. D’abord par son timing, ensuite par le lourd agenda qu’impose une riche actualité internationale. Pour tout ceux qui consomme au quotidien la langue de bois bien marbrée du Quai d’Orsay, la curiosité était grande de savoir sous quel grand titre cette visite allait s’inscrire. Il s’agit d’établir "Un partenariat d’exception", voila la but affiché d’une telle visite.
La visite d’Alain Juppé à Alger intervient dans la foulée de celle que vient d’effectuer l’ancien premier ministre de Jacques Chirac, Jean Pierre Raffarin en tant que " envoyé
spécial du président Nicolas Sarkozy chargé de faire avancer la coopération
économique" avec l’Algerie. A lire les commentaires satisfaits et les louanges qui ont couronné cette mission, tout porte à croire que Jean Pierre Raffarin a fait avancer de nombreux dossiers qui vont sceller encore plus la très particulière relations entre Paris et Alger.
Mais la grande particularité de cette visite d’Alain Juppé est le contexte dans lequel elle intervient. Le printemps arabe est en train de faire subir à l’ensemble de la région une dynamique de changement et de réforme. La France est militairement impliquée dans une politique de changement de régime dans la Lybie voisine. Une crise qui avait donné lieu à une passe d’armes diplomatique entre les deux pays. L’Algerie avait été publiquement accusée d’apporter aide et assistance militaire, par la fourniture de matériels et mercenaires, au régime du Colonel Kadhafi. Alger avait démenti ces accusations sans jamais parvenir à installer la conviction de son innocence.
Tout le monde vaut gardé en mémoire la sortie, un brin sarcastique d’Alain Juppé sur le sujet. Alors qu’Alger était sous le feu nourri d’accusation de venir en aide à Kadhafi, le ministre français des affairées étrangères tente de rassurer l’opinion. Voila comment il procède. Il annonce avoir eu "un entretien très cordial" avec son homologue algérien Mourad Medelci à ce propos. "Je lui ai posé la question et il m’a assuré que (…) ce n’était pas vrai".
Et pourtant tout avait été fait pour ménager la susceptibilité algérienne face au printemps arabe. Lorsqu’il avait été obligé d’apporter une réponse politique à l’exigence démocratique qui traverse la société algérienne, le President Abdelaziz Bouteflika avait prononcé son célèbre discours télévisé, la France et en particulier en Alain Juppé, avait été le premier à lui tresser des lauriers. Abandonnant provisoirement son langage novateur sur l’aspiration démocratique de la jeunesse arabe, Alain Juppé avait volontairement fait mine d’ignorer l’état de santé du President algérien et son discours insuffisamment compatible avec la lame de fond qui traverse les sociétés arabes. Et lorsque la France, présidente du G20 accueille le G8 à Deauville et décide de mettre le printemps arabe à l’honneur, Nicolas Sarkozy invite le président algérien A.Bouteflika pour qu’il assiste aux premières loges à l’expression de ce soutien politique et financier des révolutions arabes.
L’autre versant du contexte original qui accompagne cette visite d’Alain Juppé à Alger c’est qu’elle intervient à une période, où, santé déclinante de Bouteflika oblige, la guerre souterraine de succession bat son plein entre les différents réseaux qui s’accaparent le pouvoir à Alger. Qui pour remplacer l’actuel President algérien dont le départ semble aussi proche qu’inévitable Alain Juppé profitera de sa visite pour humer l’air du temps et la direction du vent? Son attention sera certainement influencée par les dernières tentatives pour dégoupiller la frustration algérienne. Le lancement des assises de la société civile voulu par Bouteflika mais boycotté par l’opposition algérienne dont bizarrement la radicalité de la critique trouve plus d’échos dans la presse algérienne que dans les pages des médias français.
Les autres sujets d’actualité qu’Alain Juppé discutera à Alger ne manquent pas de pertinence. La lutte contre Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) qui semble avoir fait de la déstabilisation régionale un nouvel axe de conduite sera au top des priorités. Les citoyens et les intérêts français sont particulièrement visés dans cette région du Sahel où sévit l’Aqmi, une reconstruction d’anciens groupuscules du GIA et GSPC algérien.