A Alger, malgré la tension, des manifestants tentent de fraterniser avec la police

En dépit des échauffourées et des tirs de lacrymogènes en marge du 8e vendredi de contestation, des manifestants ont continué à tenter de fraterniser avec les forces de l’ordre, reprenant le slogan « Policier, enlève ta casquette et viens manifester ! »

Dans la rue, des policiers anti-émeutes ont repoussé quelques irréductibles entre la place Audin et la Grand Poste, deux points phares de la contestation dans la capitale, à coup de grenades lacrymogènes.

Jets de pierres, bouteilles, poubelles, des émeutiers ont riposté avec ce qui leur tombait sous la main, jusqu’à ce que des manifestants s’interposent, faisant de grands signes avec leurs bras en signe d’apaisement.

"Policiers et peuple, frères", ont alors entonné les manifestants. Certains se sont agenouillés au milieu de l’avenue, les mains levées en signe de paix.

"Nos familles manifestent dans nos villes d’origine, on est issu du peuple nous aussi", explique un policier à l’AFP. "On est dans une position inconfortable, on n’a pas le choix".

"On espère qu’il y aura de bonnes décisions pour le pays et que cela s’arrête", confie un autre représentant des forces de l’ordre, qui dit être "fatigué" après quasiment deux mois de soulèvement populaire.

La tension s’était accumulée depuis le début de l’après midi. Sur la place Audin, la police est restée ferme face à une foule compacte qui tentait de faire céder le cordon menant à l’avenue voisine.

Lorsqu’un policier a brandi sa matraque, des milliers de manifestants se sont immédiatement mis à siffler. Mais plusieurs hommes, en première ligne, ont levé les bras en signe d’apaisement, encourageant la foule, tournée vers les policiers anti-émeutes, à entonner un chant pacifique.

"Le cri du citoyen est plus audible que le bruit d’un canon", pouvait-on lire sur une pancarte. A quelques mètres, deux camions munis de canon à eau sont tournés vers la place: "On prendra une douche, c’est tout !", dit Lamine, 34 ans, visiblement détendu.

Les manifestants ont fini par être évacués par des gaz lacrymogènes et des canons à eau.

"Pas dans le sang"

Dans la matinée, les forces de l’ordre avaient dû renoncer à déloger la foule des marches de la Grande Poste, point de ralliement emblématique qu’ils tentaient d’évacuer pour la première fois un vendredi depuis le début du mouvement qui dure depuis près de deux mois.

Essuyant les huées des protestataires, les policiers antiémeute, en sous-nombre, avaient finalement fait marche arrière, avant de quitter les lieux sous les youyous et une haie d’honneur.

"On n’a rien contre vous, on veut le départ de la mafia", ont lancé certains aux policiers.

Nez-à-nez avec les policiers munis de casques et de boucliers, certains n’ont pas hésité vendredi à les interpeller, comme Mohamed, qui leur lance "policier, écarte-toi du diable".

Depuis le début, ce mouvement populaire n’a quasiment pas connu de violences. "Silmiya, silmiya" (pacifique en arabe), est la ritournelle scandée à chaque rassemblement.

Et c’est la force de cette contestation, qui ne prête ainsi pas le flanc à une répression par la force.

Pour Mourad, 47 ans, le souvenir de la "Décennie noire", la guerre civile qui a meurtri ce pays d’Afrique du nord de 1992 à 2002, empêchera le pire. "On a le souvenir de nos martyrs. Cette fois, ça ne se fera pas dans le sang", assure-t-il.

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