La triple faute de Valérie Trierweiler
Le livre de l’ancienne «Première dame» m’a fait honte, en tant que femme, en tant que citoyenne et en tant que journaliste, écrit dans son article la Journaliste de politique internationale et chroniqueuse de Slate, Ariane Bonzon.
Honte en tant que femme, d’abord, d’un âge proche de celui de Valérie Trierweiler. Je ne peux être d’accord avec ces commentateurs qui voient en elle une victime. Valérie Trierweiler ne s’est-elle d’ailleurs pas souvent présentée comme une femme libre?
C’est donc comme telle qu’il convient de la regarder. Le livre, un mixte de fiel et d’eau de rose, est finalement assez pathétique: j’ai mal –et un peu honte oui, pour cette femme, pour l’amoureuse aussi, qu’elle n’ait su se retenir de l’écrire.
Rien n’est cependant plus machiste que de présenter Valérie Trierweiler comme une victime. La brutalité de la rupture qu’elle a vécue ne fait pas de doute, mais en amont, la faute de François Hollande, c’est d’avoir commis une sacrée erreur de jugement, d’avoir –et c’est autrement plus inquiétant– mal mesuré le conservatisme de la société française en matière de mœurs, en donnant bien trop de place, trop vite, trop longtemps, à celle que les Français considéraient comme sa «maîtresse», autrement dit à leurs yeux une «briseuse de ménage».
Dès le soir de la victoire, le 6 mai 2012, place de la Bastille, son comportement n’est pas à la hauteur de la fonction d’une «Première dame» lorsque, «décomposée» de voir François Hollande aller embrasser Ségolène Royal à l’autre bout de la scène, elle réclame au nouveau président de la république un baiser «sur la bouche». Puis vint, le 12 juin 2012, le fameux tweet de soutien à Olivier Falorni. A chaque fois, Valérie Trierweiler montre qu’elle est incapable de ne pas faire passer ses ressentiments, sa jalousie avant le reste.
Valérie Trierweiler n’est pas une victime mais ce que ce livre montre, c’est qu’elle n’est pas non plus une femme libre. La faille narcissique béante qu’elle n’a pas su (l’a-t-elle-même voulu?) guérir et qui lui a fait choisir la vengeance, voilà sa chaîne.
Honte en tant que citoyenne
Honte, en tant que citoyenne. Je fais partie des gens qui pensent qu’il y a l’homme et la fonction. Qu’il y a une transcendance de la fonction. Il est vrai parfois que le costume est trop grand pour celui qui l’habite. Je ne doute pas de la «normalité» du bonhomme ni de celle de ses prédécesseurs.
Mais là n’est pas la question. J’ai besoin, comme citoyenne, de respecter la fonction. N’est-ce pas là la vraie raison de l’immunité présidentielle? Et a-t-on besoin de passer par sa salle de bain, par le dévoilement de ses errements amoureux, pour porter un jugement sur le président de la République? Bien évidemment que non. «Faut-il être d’une sagacité indépassable pour deviner ce qu’il y a dans l’être intime de notre président à la fois de faiblesse et d’autorité, de peur, de méfiance et de défiance, et en même temps d’aptitude au bonheur et de goût de la séduction?», suggère l’ancien procureur Philippe Bilger.
L’écriture de ce livre indécent révèle la bulle politico-médiatique dans laquelle vivent Valérie Trierweiler et ceux qui l’ont accompagnée. C’est ne pas avoir la moindre idée de l’impact que cet ouvrage (ou plus exactement ses quelques extraits les plus connus) peut avoir sur la scène internationale, où les problèmes auxquels doit faire face le président de la République actuellement sont d’une autre ampleur et dépassent le cas François Hollande. C’est ne pas avoir la moindre idée de ces dégâts collatéraux, donc, ou alors… s’en ficher comme d’une guigne, ce qui n’est pas mieux.
Honte en tant que journaliste
Honte, en tant que journaliste. D’abord la nausée, en voyant l’excitation quasi-sexuelle de certain(e)s présentateurs-journalistes brandissant le livre d’un air entendu. Ensuite, par ce que ce livre révèle de la relation au pouvoir. Faut-il que Valérie Trierweiler ait été fascinée à ce point par le pouvoir politique pour chercher à tellement le désacraliser?
Ce livre, c’est l’évolution paroxystique de ce journalisme de chambre à coucher qui nous explique que l’on ne peut juger un homme politique sans connaitre ses petits travers quotidiens, ses secrets d’alcôve. Les ouvrages de ce genre pullulent qui, une fois la dernière page refermée, ne vous ont rien appris sur la pensée, les idées, les convictions d’un homme. Valérie Trierweiler, c’est le dernier degré du journalisme «embedded».
Me revient à la mémoire l’été 2011, juste avant la primaire socialiste. Passant mes vacances au bord de la mer, j’ avais été emmenée par un ami à une soirée, simple et gaie, à laquelle Valérie T. et François H. participaient. Sans doute mon statut de journaliste avait-il inquiété; probablement mon ami s’était-il porté garant de ma discrétion auprès de nos hôtes. Il avait raison. Jamais je ne reproduirais dans mes articles des extraits de la conversation que j’ai eue avec le futur président ce soir-là. Mais la plus méfiante à mon égard semblait être Valérie Trierweiler. Parce qu’elle souffrait alors d’être pourchassée par les paparazzi? Ou parce qu’elle fait partie de ces journalistes qui ne croient plus, au fond, qu’on puisse exercer ce métier autrement qu’en trahissant les amours et les amitiés?