La France, nouvelle terre d’extrême droite
C’est une puissante onde de choc qui avait secoué la France et qui a eu de fortes réverbérations au delà du périmètre européen. Elle provient de cette image qui montre Marine Le Pen, la blonde prêtresse de la formation d’extrême droite, icône du Front National, se pavaner sur le podium politique en arborant le titre de première force politique du pays. Elle est accentuée par les effets triomphaliste de son papa, Jean Marie Le Pen, le gourou, qui se délecte du grand mauvais coup qu’il vient d’asséner à cette France éternelle aux prétentions universalistes. Lui qui a eu le mauvais goût, juste avant le scrutin de dimanche de magnifier le virus Ébola » comme un traitement efficace contre l’immigration africaine.
Par Mustapha Tossa
Et l’on commençait déjà à tirer la morale de cette histoire. Échaudé par le fameux 21 avril 2002 au cours duquel Jean Marie Le Pen s’était subrepticement qualifié au second tour des présidentielles après avoir sorti le socialiste Lionel Jospin, le remake d’une telle performance est dans tous les esprits. Qu’est-ce qui empêcherait, se demandent les plus alarmistes, le FN, devenu sous la houlette de Marine Le Pen une redoutable machine de séduction et de persuasion, de réitérer cet exploit et de transformer l’essai ?
À force de triturer ces peurs domestiques, l’on oublie presque que le France est en train d’occuper dans l’imaginaire mondial la place peu enviable du grand territoire européen de l’extrême droite, raciste et xénophobe. Même l’élection de nazillons déclarés dans certains pays européens ne suscite pas autant d’interrogations et d’inquiétudes que l’ascension du Front National en France. Sans doute le constat est différent. Autant dans ces pays, le phénomène est un peu «folklorique», autant en France il s’agit d’une vraie force politique qui organise les esprits et les destins et à travers une stratégie bien identifiée et ambitionne une prise du pouvoir. Elle a commencé à le faire sur le plan municipal et démontre sa puissance sur le plan européen. Le FN exige une dissolution de l’assemblée nationale, jugée peu représentative et anachronique, pour pouvoir s’y introduire et aiguise ses armes pour les présidentielles de 2017.
L’opinion internationale ne s’y est pas trompée. La France a occupé la Une des télés mondiales et squatté les pages des éditorialistes et des faiseurs d’opinion. Avec cette distinction qui fait entrer la France dans la phase du repli sur soi. Ironie de l’histoire, cette séquence française fut inaugurée il y a déjà quelques mois par le ministre socialiste de l’Economie et du redressement productif lorsqu’il avait levé avec la passion qui le caractérise l’étendard du patriotisme économique.
Sur un tout autre plan, les exploits du FN de Marine Le Pen vont lourdement peser sur l’image de la France. Les relents xénophobes risquent de s’exprimer avec plus de force et les tensions communautaires vont s’exacerber avec plus d’acuité. Le risque est que devant cette percée du FN, la parole ne soit plus libérée. Déjà que les digues de la gauche ou de la droite traditionnelle pour élever une indignation et une protestation efficace ont depuis longtemps molli.
En face de ce vécu cauchemardesque qui attend la France, des voix s’élèvent aussi pour relativiser les frissons. Et d’introduire une dose d’optimisme. Si le FN de Marine Le Pen a pu s’imposer de cette manière, il le doit en grande partie à la grande abstention des Français qui ont voulu adresser un message de déception à François Hollande. Demain, disent les forcenés de l’optimisme, si le modèle républicain est menacé avec la possible accession au pouvoir de l’extrême droite, le sursaut sera assuré par un retour massif des Français aux urnes qui démontrera que le FN n’a pas cette prétention à dominer et qu’il reste, malgré tout, une force minoritaire qui agit à la marge.