A 18h00 (16h00 GMT), deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, la participation était en hausse de 6,8 points par rapport au précédent scrutin de 2012, signe de l’importance que les électeurs accordent à ce vote, selon des données du gouvernement régional.
Plus de 63% des électeurs de cette région de 7,5 millions d’habitants avaient glissé leur bulletin, pour choisir leur députés et dire si oui ou non il faut lancer la procédure de divorce d’avec l’Espagne.
Les indépendantistes, dont la figure de proue est le président sortant de la région, Artur Mas, ont transformé ce scrutin en plébiscite, promettant qu’en cas de victoire ils mèneraient la Catalogne vers l’indépendance, en 2017 au plus tard.
"Nous verrons qui gagne (…). Mais la démocratie l’a emporté en Catalogne", a soutenu M. Mas, après avoir voté. Evoquant les manifestations massives réclamant depuis 2012 à Barcelone "le droit de décider" comme "nation", il a conclu: "Finalement, les urnes sont là", "il y a un plébiscite, politiquement parlant, sur l’avenir de la Catalogne".
Depuis trois ans, il n’avait cessé d’exiger un référendum d’autodétermination semblable à celui organisé en Ecosse il y a un an, où le non l’avait emporté. Mais Madrid a toujours refusé, arguant de son inconstitutionnalité.
Le chef du gouvernement conservateur espagnol, Mariano Rajoy, s’est impliqué personnellement dans la campagne, jusqu’au dernier moment, plaidant pour une "Espagne unie", et dressant la liste des catastrophes qui, selon lui, guettent les Catalans en cas d’indépendance: exclusion de l’UE, explosion du chômage, effondrement des retraites.
Selon les sondages, les Catalans pourraient envoyer une majorité d’élus indépendantistes au Parlement régional.
Mais, très partagés, ils pourraient aussi opter pour la prudence, donnant leurs voix aux partis du "non", comme le Parti populaire au pouvoir (PP, droite), Ciudadanos (centre droit), les socialistes, l’antilibéral Podemos (gauche radicale).
La "participation massive (…) nous donne beaucoup d’espoir", s’est félicité le candidat du Parti populaire, Xavier Garcia Albiol, alors qu’elle pourrait en effet être un signe de mobilisation du camp du non, moins impliqué d’habitude.
L’entraîneur du Barça, Luis Enrique, ex-joueur du Real Madrid et chouchou des Barcelonais, a annoncé sur Twitter avoir "exercé son droit de vote", ajoutant "vive la Catalogne!" en catalan. Asturien d’origine, il n’a jamais pris position, contrairement à l’ex-entraîneur-star du Barça, Pep Guardiola, candidat symbolique sur la principale liste indépendantiste.
– Inquiétude –
Si la Catalogne s’en allait, elle emporterait avec elle un cinquième du PIB de l’Espagne, quatrième économie de la zone euro, et un quart de ses exportations. L’éventualité inquiète banquiers et entrepreneurs, qui invitent au dialogue.
Barack Obama, David Cameron et Angela Merkel ont également souhaité le maintien de l’unité.
A la faveur de la crise et de médiocres relations avec le pouvoir central, le nationalisme de nombreux Catalans fiers de leur culture a viré à l’indépendantisme.
Leur ressentiment s’est accentué quand M. Rajoy, alors dans l’opposition, s’est battu pour amender le statut d’autonomie renforcée gagné par la Catalogne en 2006, obtenant gain de cause en 2010, quand le Tribunal constitutionnel l’a en partie annulé et retiré sa valeur juridique au titre de "nation".
M. Mas en a fait un casus belli, comme de nombreux Catalans, par ailleurs rendus amers par une répartition de l’impôt national injuste selon eux.
M. Mas a rassemblé l’essentiel du camp indépendantiste – droite, gauche républicaine, associations – dans une seule liste et demandé aux électeurs de valider son programme: la "liberté" dès 2017. Son camp assure être prêt à aller de l’avant s’il obtient une majorité absolue de députés (68 sur 135), même sans majorité en voix. Avec les sièges de l’autre liste indépendantiste d’extrême gauche, ils pourraient y arriver, selon les sondages.
Ce cas de figure qui ferait entrer l’Espagne dans une zone de fortes turbulences, à trois mois des élections législatives. D’autant que le gouvernement a prévenu qu’il agirait contre tout acte "illégal".
Toni Valls, architecte de 28 ans, a voté à Barcelone, pour les indépendantistes: "C’est une question de dignité et de respect pour une culture différente qu’ils (le gouvernement) n’ont même pas cherché à comprendre", dit-il.
"Ce n’est pas le moment de nous séparer. Moi, cela va me toucher directement, s’il n’y a pas de retraites. Il faut rester en Espagne, mais avec un gouvernement plus autonome", estimait au contraire Mireia Galobart, retraitée de 70 ans.