L’Espagne n’a toujours pas de nouveau chef de gouvernement
L’investiture de Pedro Sanchez, le leader socialiste, n’a pas été votée. Les députés ont jusqu’au 2 mai avant que de nouvelles élections soient organisées.
C’est la première fois qu’un candidat désigné par le roi pour former un gouvernement n’est pas investi depuis que l’Espagne a retrouvé la démocratie après la mort de Francisco Franco. Peu avant le vote, Pedro Sanchez s’était cependant félicité d’avoir au moins atteint "son premier objectif, sortir l’Espagne du blocage" par sa tentative d’investiture, car elle fait courir un nouveau délai à l’issue duquel faute d’investiture, de nouvelles élections législatives seront organisées.
Il a reproché au chef du gouvernement sortant, le conservateur Mariano Rajoy, d’avoir lui-même refusé de se présenter à l’investiture le premier, par peur d’un échec, alors que le PP avait remporté les législatives avec 28,7 % des voix. Le compte n’y est pas car la chambre des députés est fragmentée, sans majorité claire. Le PP conserve 123 sièges, le Parti socialiste 90, Podemos et ses alliés 65 et le petit parti de centre-droit Ciudadanos 40. La chambre compte par ailleurs une trentaine de députés de formations nationalistes et indépendantistes catalanes et basques.
Trahison
Après le vote, Pedro Sanchez a accusé le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias, d’avoir "trahi les millions d’électeurs qui avaient voté pour le changement", contre la droite au pouvoir depuis 2011. Auparavant, il avait appelé à chasser Mariano Rajoy du pouvoir en résumant ses quatre années de gouvernement à une époque de "coupes claires" dans les services publics, d’"inégalités" et d’"extension de la corruption". Podemos, qui propose aux socialistes de gouverner en coalition, a voté contre l’investiture de Pedro Sanchez en lui reprochant son accord de programme avec les centristes de Ciudadanos, parti qu’il juge trop libéral.
A la tribune de l’assemblée en bras de chemise rouge sombre, le dirigeant de Podemos a lancé à Pedro Sanchez, cravaté de rouge: "osez devenir, M. Sanchez, le président d’un gouvernement de coalition avec un vrai programme progressiste sans prétendre résoudre la quadrature du cercle". "Regarder à gauche pour les politiques sociales et à droite pour la politique économique, ce n’est pas possible", a-t-il dit. Puis il a asséné: "notre main à partir de ce soir reste tendue (…) mais vous devez assumer que les responsabilités et les décisions, nous allons les prendre ensemble".
Deux mois avant de nouvelles élections
Dans la journée, le numéro deux de Podemos, Inigo Errejon, avait déjà appelé à "remettre les compteurs à zéro" en assurant qu’une coalition des gauches était possible, avec le soutien tacite des indépendantistes qui ne voteraient pas contre l’investiture d’un tel gouvernement. Ces dernières semaines, les chefs de partis se sont accusés mutuellement de "faire du théâtre" en feignant de négocier et d’être, en fait, déjà entrés dans une campagne électorale virulente. Les partis ont jusqu’au 2 mai pour trouver le moyen d’investir un président du gouvernement et échapper à de nouvelles élections, fin juin.
"Soit il y a un gouvernement transversal, soit on va vers des élections", résume le politologue Anton Losada, pour qui "l’absence de tradition de l’Espagne" en la matière explique les difficultés, après plus de 30 ans de bipartisme entre conservateurs et socialistes. Depuis les législatives du 20 décembre, Mariano Rajoy propose de diriger une grande coalition incluant le Parti socialiste – rival de toujours – et Ciudadanos qui remet explicitement en cause son leadership et lui reproche de n’avoir jamais "nettoyé" sa formation de la corruption.
Vendredi soir, Mariano Rajoy a vertement reproché aux socialistes et centristes de vouloir "la destruction de l’oeuvre du PP". "Nous ne sommes pas là pour nous renier", a-t-il dit, amer. "Le problème", avait estimé avant le vote le politologue Fernando Vallespin, "c’est que comme personne ne semble envisager la possibilité d’un pacte, tout le monde parie sur de nouvelles élections".