Procès Merah : les avocats des parties civiles dénoncent « l’imposture » d’Abdelkader Merah
Les plaidoiries des parties civiles ont débuté ce jeudi. Toutes ont brossé le portrait d’un « mentor », inspirateur des crimes de son jeune frère.
Abdelkader Merah est jugé pour "complicité" des sept assassinats perpétrés au nom du djihad par son frère en mars 2012, dont quatre dans une école juive de Toulouse. Il comparaît auprès d’un délinquant, Fettah Malki, qui a fourni l’une des armes et un gilet pare-balles utilisés par Mohammed Merah, finalement abattu par la police.
"Mohammed Merah était inspiré par le penseur, le sachant, son mentor : son frère", a abondé Me Olivier Morice, avocat d’un des militaires assassinés. Me Philippe Soussi, avocat d’un adolescent blessé à l’école juive de Toulouse, a, lui, dénoncé la défense de l’accusé comme "une imposture". "Abdelkader Merah serait une sorte d’otage, victime d’un acharnement. Jamais, moi Abdelkader Merah, je ne serais au courant des projets de mon frère, jamais je n’ai participé au vol du scooter, jamais je n’ai menti… Franchement, si on l’écoute, sa vie c’est peace and love, le Martin Luther King des Izards : soyons sérieux !", a-t-il lancé.
Alors que la défense a sans relâche pointé l’insuffisance des preuves étayant l’accusation, Me Cohen a insisté : "Comme on parle d’un doute raisonnable, on doit aussi parler d’une preuve raisonnable." Il a livré à la cour la mission impossible confiée par son client, père de la fillette de huit ans tuée à l’école Ozar Hatorah : "Essayez de trouver les mots pour dire l’indicible." "Ce que j’éprouve, c’est que tant que nous parlerons, que nous plaiderons, les victimes ne seront pas tout à fait mortes. Alors, j’essaye de les retenir encore un peu", a-t-il dit.
Vous avez perdu. Vous n’imaginiez pas à quel point nous aimons la vie
Me Morice a évoqué "un procès singulier, hors norme", "marquant dans l’histoire du terrorisme français" par "la nouveauté" du mode opératoire et "la conception des attentats". Revenant sur l’image du loup solitaire évoquée à l’époque par les autorités, l’avocat a expliqué qu’il s’agissait pour le pouvoir "de se justifier devant l’opinion publique de son incapacité à prévenir ces attentats". Pour Me Cohen, "on a affaire, dans ce dossier, à une mouvance protéiforme dont personne ne sait jusqu’où elle s’étend. Elle peut donner lieu à des actions organisées ou presque spontanées. Et il n’est pas nécessaire pour en faire partie de se réunir en nombre, celui qui s’y agrège accepte le tout, chaque goutte de sang versée."
Quant aux éléments matériels, "nous avons les documents" retrouvés sur l’ordinateur d’Abdelkader Merah, dont "10 %" concernaient notamment des cours de préparation au djihad, a-t-il pointé. "Ce n’est que 10 %, mais c’est 10 % de feu, de lames coupantes sur lesquelles les enfants ont marché, 10 % de fureur, de colère, de terreur. Ce bréviaire, c’est l’association de malfaiteurs terroristes en action", a-t-il asséné.
"La cour dira si Abdelkader Merah a été le mentor de son frère mais je crois que vous avez perdu", a enchaîné Me Soussi à l’adresse des deux accusés. "Vous vouliez un monde sans juif, sans chrétien, sans militaire, un monde sans kouffars (mécréants), comme d’autres ont voulu un monde sans terrasse et sans concert", a-t-il poursuivi en référence aux attentats parisiens de novembre 2015 sur des terrasses de café et au Bataclan. "Vous avez perdu. Vous n’imaginiez pas à quel point nous aimons la vie." Les plaidoiries des parties civiles sont prévues jusqu’à vendredi soir. Les réquisitions sont attendues lundi. (AFP)