Il n’est pas exclu qu’Emmanuel Macron finisse par apparaître, aux yeux du monde arabe, comme un héros. Le président français qui aura donné un coup d’accélérateur décisif à l’idée de la création d’un État palestinien. Parmi les rares chefs d’État occidentaux, il fut en effet le seul à lancer ce défi singulier à Donald Trump: «Si tu veux vraiment espérer un jour le Nobel de la paix, fais tout pour arrêter la guerre de Gaza.»
Même ceux qui hésitaient à établir le parallèle n’ont pu s’empêcher de rapprocher son intervention à l’ONU de celle de Dominique de Villepin en 2003, s’opposant crânement à la guerre américaine en Irak au nom de Jacques Chirac. Les contextes sont différents, mais la fibre est la même: cette passion française pour une diplomatie qui se veut originale, porteuse d’une différence, capable d’insuffler une dynamique et d’imprimer une marque singulière dans l’histoire internationale. Hier, Chirac disait non à Washington. Aujourd’hui, Macron dit oui à la Palestine, au risque de subir l’ire d’Israël et de la Maison Blanche.
Cette reconnaissance n’a pas été une décision facile. Elle a surgi dans la douleur, sous le coup des pressions, des critiques et des colères. Celle d’Israël d’abord, qui y voit une prime au terrorisme du Hamas et un encouragement à l’antisémitisme mondial. Les éléments de langage de Tel-Aviv sont clairs: sans le 7 octobre, jamais la France n’aurait reconnu la Palestine dans un calendrier aussi resserré.
À cela, Paris répond fermement. Non, il ne s’agit pas d’une récompense au Hamas mais d’un dernier effort pour sauver la solution à deux États, menacée par la stratégie implacable de Benyamin Netanyahou et couverte par Donald Trump.
Car l’offensive israélienne a dépassé toutes les prédictions les plus funestes: dizaines de milliers de civils tués, famine organisée, pression pour pousser les Palestiniens à l’exode, volonté manifeste de reprendre le contrôle de la Cisjordanie et d’achever l’Autorité palestinienne.
Dans ce contexte, l’urgence pour la France a été de maintenir vivante l’idée d’un État palestinien.
Le succès de Macron ne réside pas seulement dans cette reconnaissance, déjà actée par la Suède ou l’Espagne. Il tient dans sa capacité à entraîner d’autres puissances: Royaume-Uni, Canada, Australie, Portugal, et peut-être même l’Allemagne, qui commence à douter de son refus catégorique.
En France, la décision a déclenché une tempête. La droite et l’extrême droite accusent Macron de «jouer la carte de la Palestine» pour des raisons électorales, afin de séduire un électorat arabo-musulman qui, pourtant, ne pourra pas voter en 2027.
Mais le président, au-delà de ces polémiques internes, se forge une stature nouvelle dans l’imaginaire arabe. À New York, un passant d’origine arabe s’est même avancé pour lui déposer un baiser sur la tête: un geste spontané qui condense mieux que tout discours l’écho inattendu de cette décision.
Macron pourrait ainsi entrer dans l’histoire comme le président français qui, au moment le plus critique, a rouvert la perspective d’un État palestinien. Dans un monde fragmenté, son pari est risqué. Mais il donne à la diplomatie française une résonance qu’elle n’avait plus connue depuis longtemps.
