Américains et Européens au bord du divorce

Jamais les relations entre les Américains et les Européens n’ont été si proches de la rupture et de l’éloignement. Jadis le parapluie atlantique soudait leurs relations, protégeait leurs intérêts et forgeait leurs destins communs.

Aujourd’hui l’heure est à la méfiance et au défi. L’indispensable allié américain d’hier est objet ces jours-ci de suspicions européennes. Deux sujets brûlants incarnent cette défiance. Le premier est la guerre Russie-Ukraine. Le second est la guerre commerciale que Trump veut lancer à destination de l’Union européenne.

A l’égard de l’Ukraine, Donald Trump a fait un choix crucial de négocier un deal avec Vladimir Poutine et de l’imposer aux Ukrainiens et leurs alliés européens. La rencontre entre les deux présidents américain et ukrainien à la Maison-Blanche et le pugilat diplomatique mondial qu’elle a provoqué a prouvé, si besoin encore était, la dangereuse pente qu’emprunte le fameux lien transatlantique.

Une des réalités qui est apparue au grand jour aux Européens c’est que Donald Trump a changé de camp. Il préfère établir une alliance avec la Russie de Vladimir Poutine plutôt que de continuer à nourrir son alliance avec l’Union européenne. D’ailleurs il ne se prive pas de rappeler que cette union a été créée à la base pour «entuber» l’Amérique. Un discours et une posture inédite de la part des autorités de Washington même lors de leurs pires bouffées isolationnistes.

Incrédules, les Européens n’en reviennent pas. Ce qui était à la limite de l’agitation électorale est devenu aujourd’hui une réalité politique. Donald Trump est en train de couper les amarres avec le Vieux Continent. Entre ceux qui se retrouvent orphelins du parapluie américain et ceux qui s’activent à le remplacer, le débat fait rage. Le président français Emmanuel Macron, un des premiers promoteurs actuels de l’autonomie stratégique, se retrouve propulsé sur le devant de la scène européenne. Pour pallier l’éventuel désengagement américain, Macron propose l’idée d’une dissuasion européenne à travers un parapluie nucléaire étendu à l’ensemble du territoire européen.

Si cette idée n’a pas encore trouvé une validation européenne collective, elle trahit le niveau d’angoisse des pays de l’Union face à une Russie qui pourrait, après avoir absorbé des territoires ukrainiens, voir son appétit de domination s’élargir à d’autres contrées voisines.

Les pays de l’Union européenne doivent gérer non seulement l’hypothèse fort probable d’un lâchage américain mais aussi la possibilité que Washington et Moscou puissent produire une nouvelle alliance antagoniste aux intérêts européens. C’est dans ce contexte qu’acculée, l’Union européenne est dans l’obligation de relancer sa doctrine d’autonomie stratégique qui n’est autre qu’une révision de sa relation d’interdépendance avec le parapluie américain.

Au vu du tournant américain sur l’Ukraine, l’Europe, qui, jadis dépendait de la protection américaine, se trouve aujourd’hui presque nue face à la menace russe. Pour augmenter ses capacités de défense, Emmanuel Macron propose l’idée d’étendre la dissuasion nucléaire à l’ensemble de l’espace européen. Un idée qui fait son chemin et qui provoque à la fois un enthousiasme chez ceux qui veulent couper le cordon ombilical avec l’Amérique et ceux qui veulent maintenir vivante l’Alliance atlantique.

Parallèlement à cette nouvelle stratégie de dissuasion européenne, les pays de l’Union doivent briser collectivement un autre tabou. Celui de devoir augmenter ostensiblement leurs dépenses de défense et investir dans leurs propres industries de défense pour caser cette dépendance à l’égard de l’Oncle Sam.

Sur le papier, ces idées peuvent être enthousiasmantes et peuvent mobiliser les énergies européennes. Dans la réalité, elles se confronteront inévitablement à des forces pour qui l’autonomie stratégique, l’armée européenne commune sont un grand saut dans l’inconnu. Ces pays voudraient conserver le confort de la dépendance américaine même si cela doit passer par accepter le diktat de Washington.

Aujourd’hui, les relations transatlantiques se trouvent, avec Donald Trump, dans un dangereux carrefour. Le défi pour les deux partenaires n’est pas mince : ou trouver les moyens de continuer leurs compagnonnages sous parapluie atlantique, ou se résigner à acter leur divorce avec tout ce que cela implique comme changement de stratégie et d’alliances militaires. L’alignement qui s’annonce de Trump sur Poutine est de nature à donner des vertiges et des sueurs froides à cette relation entre Américains et Européens qui traverse actuellement sa première grande crise existentielle depuis l’époque de la guerre froide.

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