Edouard Philippe est attendu dimanche pour un nouvel exercice d’explication sur l’épidémie de Covid-19 et le déconfinement à venir, alors que le bilan dépasse désormais les 19.300 morts et que la pression baisse toujours légèrement sur le système de santé.
A trois semaines d’une échéance extraordinairement complexe et à multiples inconnues, Emmanuel Macron a en tout cas fixé une première règle: il n’y aura pas de discrimination des personnes âgées, plus vulnérables au nouveau coronavirus.
Mercredi, le président du comité scientifique qui conseille les autorités, le Pr Jean-François Delfraissy, avait estimé que les personnes « au-dessus de 65 ou de 70 ans » devraient rester confinées.
Niet présidentiel: « Le chef de l’Etat ne souhaite pas de discrimination entre nos concitoyens après le 11 mai » et « en appellera à la responsabilité individuelle », a indiqué l’Elysée vendredi soir.
Emmanuel Macron avait pourtant dit le 13 avril, en annonçant un mois supplémentaire de confinement, que les autorités demanderaient aux « personnes les plus vulnérables, (…) âgées, en situation de handicap sévère, (…) atteintes de maladies chroniques » de rester à l’abri plus longtemps, mais sans préciser si ce serait obligatoire, comme le confinement actuel.
De fait, les seniors représentent une population à risque, alors que le Covid-19 a fait 19.323 morts selon le dernier bilan samedi, dont près de 7.500 dans les Ehpad et autres établissements médico-sociaux.
Supérieur au maximum
Le bilan reste donc très lourd, avec 642 morts de plus en 24 heures. Mais il s’accompagne de signes d’espoir: pour le quatrième jour consécutif, le nombre de personnes hospitalisées a baissé. Et celui des patients en réanimation est aussi en recul depuis dix jours, à 5.833.
Pour autant, la France, qui disposait de 5.000 lits de « réa » avant le début de la crise, reste « toujours à un niveau exceptionnel, très supérieur au maximum habituel », a rappelé la direction générale de la Santé, appelant à « ne pas relâcher nos efforts au moment où le confinement porte ses fruits ».
Un des derniers « clusters » de contamination découverts est le porte-avions Charles de Gaulle. Selon un dernier bilan, 1.081 des marins du navire et de son escorte, près de la moitié de l’équipage, ont été testés positifs (dont 1.046 sur 1.760 sur le porte-avions lui-même). 24 sont hospitalisés, dont l’un en réanimation, et l’origine de la contamination reste inconnue.
Dans le Grand Est en revanche, la baisse amorcée fin mars-début avril se confirme. Symbole de cette accalmie encore relative, une partie de l’hôpital de campagne des armées déployé au pied de l’hôpital civil de Mulhouse pour le soulager face à l’épidémie a commencé à être démontée vendredi, afin de ramener sa capacité de 30 à 20 lits.
L’installation militaire avait accueilli son premier patient le 24 mars, alors que les services de réanimation locaux étaient saturés, et en a depuis soigné 46 au total.
La situation s’est aujourd’hui sensiblement améliorée dans le Haut-Rhin, l’un des principaux foyers épidémiques en France, et l’hôpital de Mulhouse prépare aujourd’hui un « plan de sortie de crise ».
Alors que de nombreux Français applaudissent tous les soirs à 20H le personnel soignant, un jeune couple a été condamné vendredi à Bayonne à 120 heures de travaux d’intérêt général pour avoir adressé des lettres anonymes à des infirmières leur enjoignant de quitter leur domicile pour ne pas faire peser un risque de contamination au coronavirus sur le voisinage. Une troisième personne sera jugée en juillet pour les mêmes faits.
Philippe et Véran attendus
Edouard Philippe et le ministre de la Santé, Olivier Véran, donneront une nouvelle conférence de presse dimanche après-midi, pour dresser un point détaillé de la situation.
Aucune grande annonce n’est toutefois attendue, alors que le plan de déconfinement, confié au haut-fonctionnaire Jean Castex, doit être dévoilé à la fin du mois. « J’avais dit que je présenterais à intervalles réguliers les résultats de notre stratégie (…), les difficultés que nous continuerons peut-être à rencontrer, les pistes d’avenir et la préparation de la sortie de crise », a rappelé le Premier ministre samedi.
Entouré également de scientifiques « qui donneront des faits et des chiffres », il devrait lui aussi insister sur le strict respect du confinement, au moment où les autorités craignent un relâchement à l’approche des ponts de mai, après près de deux mois sous cloche.
Masques et tests devraient également être au menu, alors que plusieurs aspects du futur déconfinement sont d’ores et déjà questionnés. Notamment la réouverture des crèches et établissements scolaires, à l’exception de l’enseignement supérieur, alors même que les grands rassemblements resteront interdits et les bars et restaurants fermés.
« Je ne vois pas comment on peut rouvrir les écoles le 11 mai », a déclaré vendredi la maire de Lille, Martine Aubry.
En attendant, l’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de vendredi à samedi le nouveau budget de crise, qui comprend des dépenses considérablement alourdies, entre soutien aux entreprises et aide aux plus modestes.
Il porte notamment à 24 milliards d’euros les crédits destinés à financer le chômage partiel, qui touche désormais 9 millions de salariés, plus d’un sur trois.
Car si le pays est à l’arrêt, le gouvernement s’active pour qu’il ne soit pas mis à genoux par une récession que le ministre de l’Economie annonce comme la pire depuis la seconde guerre mondiale, avec une activité en chute libre.
Après une demande de Bruno Le Maire, les principales organisations de bailleurs ont appelé leurs adhérents à annuler trois mois de loyers pour les très petites entreprises qui ont dû fermer au début du confinement.
Seize fédérations de commerçants ont cependant regretté « des mesures encore très largement insuffisantes et qui ne répondent pas au cri d’alarme lancé ».
De son côté l’Association nationale des industries agroalimentaires a averti que le « pouvoir d’achat » des Français serait inévitablement touché à terme par le renchérissement des coûts de production.