Charles de Gaulle: « pas de transgression » mais des mesures insuffisantes, admet l’armée
Les procédures ont été respectées mais sans doute, avec le recul, n’étaient-elles pas suffisantes: le chef d’état-major des armées a admis samedi en substance que la contamination au covid-19 de plus de 1.000 marins du porte-avions Charles de Gaulle posait beaucoup de questions.
Invité au 20h00 de TF1, un événement très inhabituel, le général François Lecointre a reconnu que la lumière devait encore être faite sur les conditions dans lesquelles 60 % de l’équipage du bâtiment nucléaire avaient été contaminés.
« Il n’y a pas à ce stade d’enquête qui permette de dire que des gens ont spécifiquement transgressé ces règles », a-t-il affirmé.
« Et d’ailleurs je ne pense pas que ces règles, en l’état des connaissances qu’on a aujourd’hui, suffisaient en réalité, à partir du moment où les gens pouvaient sortir, pour être certain d’être protégé d’une contamination du coronavirus ».
Les chiffres définitifs annoncés samedi font état de 1.046 marins du porte-avions testés positifs, sur 1.760. Deux enquêtes, une de commandement et une épidémiologique, ont été diligentées sur la gestion de la crise d’une part, le processus de contamination du bâtiment d’autre part.
« Un virus furtif, sournois »
Le bateau n’a été en contact avec aucun élément extérieur après une escale à Brest (ouest) du 13 au 16 mars. Un week-end durant lequel se sont tenues les élections municipales en France, et lors duquel les restaurants étaient ouverts.
Les premiers cas ayant été identifiés au cours de la première semaine d’avril, ils dépassaient la quatorzaine de limite de contamination habituellement admise. La question reste donc ouverte.
Mais l’armée a répété à plusieurs reprises ces derniers jours qu’elle n’avait fait que s’aligner sur les règles en vigueur en France à l’époque.
« On a une enquête de commandement qui permettra de préciser — non pas pour juger, sanctionner, stigmatiser les gens, mais pour bien comprendre– ce qui s’est passé et en tirer des conclusions pour la suite », a indiqué le général Lecointre samedi.
Interrogé sur Europe 1 quelques minutes auparavant, le chef d’état-major de la marine nationale, l’Amiral Christophe Prazuck, a admis lui aussi de facto que les procédures n’avaient pas suffi.
« Nous avons mis en place des mesures et elles ont été manifestement contournées, prises en défaut par un virus furtif, sournois et nous devons comprendre ce qui s’est passé », a-t-il expliqué.
« Elles n’ont évidement pas contenu le virus et n’ont même pas permis d’alerter sur sa présence », a-t-il admis. « Est-ce qu’elles étaient mal conçues ? Est-ce qu’elles étaient mal appliquées ? Est-ce qu’elles étaient mal contrôlées ? Ou est-ce que le virus a contourné tout ça ? »
Près de 50 % des cas identifiés sur le bâtiment sont asymptomatiques. Entre 20 et 30 marins sont actuellement hospitalisés selon les jours, et deux marins étaient en réanimation samedi soir, selon l’amiral Prazuck.
Plusieurs témoignages de marins ou de proches ont évoqué dans des médias français, sous couvert de l’anonymat, un encadrement dépassé par les évènements.
Le porte-parole de la marine nationale, le capitaine de vaisseau Eric Lavault, a dénoncé pour sa part certaines informations « fausses ». Notamment le fait que le commandant du porte-avions aurait demandé sans succès à interrompre sa mission lors de l’escale. « Il n’y a jamais eu de marin sous respirateur » à bord, a-t-il assuré par ailleurs.
« Je comprends ceux qui sont inquiets, qui peuvent être un peu en colère aussi, mais je ne peux pas laisser passer les bruits selon lesquels on ferait n’importe quoi avec la santé de nos marins », a-t-il déclaré à l’AFP.
La ministre des Armées Florence Parly a pour sa part demandé à recevoir « un point d’étape » des enquêtes d’ici deux semaines.
Le Charles de Gaulle est le second porte-avions contaminé par le virus, après l’américain USS Theodore Roosevelt. Les deux armées ont d’ailleurs échangé sur le dossier, ont indiqué les autorités militaires françaises.