Nouvelle conséquence de la crise du coronavirus: la réforme controversée de l’indemnisation du chômage, qui devait entrer en vigueur le 1er avril et concerne en premier lieu les travailleurs précaires, va être reportée au 1er septembre.
« La réforme a été conçue dans un contexte qui n’a plus rien à voir avec celui que nous connaissons aujourd’hui », a justifié lundi matin sur BFMTV et RMC la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui publiera un décret pour ce report d’ici 48 heures.
Cette réforme durcit notamment le calcul de l’allocation pour les « permittents », ces travailleurs qui alternent contrats courts et périodes de chômage et qui sont nombreux dans les secteurs les plus touchés par la crise, comme le tourisme, la restauration ou l’événementiel.
Dans un tweet, Laurent Berger (CFDT) a « salué ce report » car « la solidarité doit prévaloir ». Les syndicats rappelaient ces derniers jours que les emplois précaires (CDD courts, intérim…) sont « la première variable d’ajustement » en période de crise et que « le rôle d’amortisseur social de l’assurance chômage doit être réaffirmé.
Pour autant, la ministre, qui continue de défendre sur le fond une « très bonne réforme », n’a pas accédé à la demande des syndicats d’un abandon de ces nouvelles règles auxquelles ils sont vivement opposés depuis leur annonce en juin dernier.
« Macron doit annuler l’ensemble de ses décrets, et pas seulement les repousser », a réagi ainsi la CGT chômeurs.
Ce changement des règles d’indemnisation constitue le second acte de la réforme.
Son premier volet est en vigueur depuis novembre, avec un durcissement de l’ouverture des droits (avoir travaillé six mois sur les 24 derniers contre quatre sur 28 auparavant) et de leur rechargement (passé d’un mois à six mois de travail). Il a également introduit la dégressivité au bout de six mois pour les demandeurs d’emploi ayant eu de hauts salaires.
Un impact fort
Mais le second volet est de loin le plus impactant car il modifiera le calcul de l’allocation chômage pour les personnes dont la fin de contrat de travail interviendra après le 1er septembre.
Aujourd’hui, la base de cette allocation (le salaire journalier de référence) est calculée en divisant la somme des rémunérations perçues dans les 12 mois précédant la fin du contrat par les seuls jours travaillés pendant cette période.
À partir du 1er septembre, cette somme (calculée non plus sur 12 mais 24 mois) sera divisée par l’ensemble des jours, travaillés ou non, entre le début du premier contrat et la fin du dernier.
Mécaniquement cela fera baisser l’allocation, parfois de manière très importante.
Selon l’Unédic, quelque 850.000 nouveaux entrants auraient une allocation mensuelle plus faible de 22 % en moyenne (de 905 à 708 euros). Certes, ils verraient leur durée maximale d’indemnisation s’allonger (de 12 à 18 mois en moyenne). Mais la plupart des demandeurs n’utilisant pas leur capital en intégralité (10 mois en moyenne), cette mesure doit permettre de réaliser des économies substantielles.
Au-delà des économies, le gouvernement affirme vouloir mettre fin à une situation actuellement plus favorable, pour la même quantité de travail, aux personnes alternant contrats courts et inactivité qu’à celles travaillant en continu. Et qui ne sont donc pas incitées selon lui à accepter un contrat long.
Un premier conflit social a déjà éclaté cet hiver avec les saisonniers des remontées mécaniques, qui n’ont pas forcément d’emploi en montagne au printemps ou à l’automne et se voient directement pénalisés par la réforme. De facto, la question est temporairement résolue par le report de la réforme.
Par ailleurs, Pôle emploi adapte son fonctionnement avec des conseillers disponibles au 3949 et par mail, même si l’accueil en agence reste possible « pour traiter de situations qui présentent un caractère d’urgence (difficultés financières notamment) », selon le ministère.