Algérie: la mobilisation se poursuit pour la 51e semaine du Hirak
La mobilisation antirégime s’est poursuivie à Alger mais a semblé marquer le pas à l’occasion du 51e vendredi consécutif de manifestation du « Hirak », le mouvement populaire de contestation dont l’Algérie est le théâtre depuis bientôt un an.
« C’est ou nous ou ce pouvoir! », ont scandé la dizaine de milliers de manifestants, déterminés mais semblant moins nombreux que le vendredi précédent dans le centre de la capitale, quadrillé par un important dispositif policier.
Retraité de 60 ans, Ahmed Besaïd dit marcher « pour la mise en place d’une véritable transition démocratique. Pour un changement de régime ».
Un « Etat civil et non militaire », ont réclamé comme chaque semaine les manifestants, dénonçant l’influence du haut commandement de l’armée sur le pouvoir, depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Né le 22 février pour s’opposer à un 5e mandat brigué par le président Abdelaziz Bouteflika, le « Hirak » a obtenu le 2 avril la démission du chef de l’Etat, alors au pouvoir depuis 20 ans, mais réclame en vain depuis une véritable rupture avec le « système » politique en place depuis l’indépendance.
Il n’a pu empêcher, malgré une abstention record, l’élection le 12 décembre d’Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, pour succéder à M. Bouteflika, dont le nouveau président fut longtemps un fidèle.
« Le plus important n’est pas le nombre mais le maintien de la mobilisation », juge Amine, étudiant, interrogé par l’AFP sur l’apparente baisse du nombre de manifestants.
Pour Brahim, quinquagénaire venu du quartier populaire de Bab el Oued, « les plus déterminés (…) continuent de marcher » pour « faire pression sur le pouvoir pour avoir une véritable démocratie ».
L’avenir du Hirak
Comme chaque vendredi, les manifestants ont réclamé la libération des militants et des manifestants du « Hirak », détenus certains depuis plusieurs mois, brandissant les portraits de certains.
Le président Tebboune a gracié durant la semaine plus de 9.700 condamnés dont le reliquat de peine n’excède pas 18 mois et n’ayant pas commis certains crimes graves.
Une mesure qui ne bénéficie pas à la centaine de personnes incarcérées en lien avec le « Hirak », pour l’essentiel pas encore jugés. La plupart de ceux déjà condamnés ont écopé de peines couvrant leur détention provisoire de plusieurs mois et ont donc déjà été libérés.
Seul un jeune détenu a bénéficié de cette grâce, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien.
« La libération des +détenus du Hirak+ et le droit de se réunir sont un préalable à tout dialogue » avec le pouvoir, auquel le président Tebboune a appelé la contestation, estime Fatima Benabed.
« L’apaisement, c’est commencer par libérer les détenus du Hirak avant ceux de droit commun », estime cette enseignante de 55 ans.
Sans structure formelle, le « Hirak » apparaît divisé sur la marche à suivre à l’orée de sa 2e année, notamment sur la pertinence et les modalités d’éventuelles discussions avec le pouvoir, mais aussi sur la forme que doit prendre à l’avenir la contestation.
Les manifestants ont également à nouveau mis en avant vendredi les problèmes économiques auxquels fait face le pays, confronté à l’atonie des cours du pétrole dont il tire l’essentiel de ses ressources.
« Il faut des mesures économiques et sociales urgentes pour faire face à la paupérisation de la population, scandaleuse pour un pays aussi riche que l’Algérie », estime Yassine Babahmed, ingénieur de 45 ans.
Plusieurs manifestants ont été interpellés à la fin du défilé algérois, dont Samir Benlarbi, une figure de la contestation, lavé cette semaine des accusations d' »atteinte à l’intégrité du territoire », crime passible de dix ans de prison, et de « diffusion de publications portant atteinte à l’intérêt national ». Ils ont tous été relâchés dans la soirée, selon le Comité national de libération des détenus.
D’autres manifestations se sont déroulées dans plusieurs autres villes du pays, notamment à Mascara (nord-ouest), où des protestataires ont été brièvement arrêtés, selon le CNLD.