Explications. Jeudi, le Président Sarkozy a accueilli Thierry Henry à l’Elysée, dans la lignée du projet, annoncé la veille par un communiqué de la Présidence, appelant à la « construction d’un projet de rénovation » du football tricolore. [Mardi, c’est la présidente suisse qui avait fait les frais d’une annulation de rendez-vous pour raisons de football, là encore dans le cadre de la préparation du G20, ndlr]
Ce sujet d’importance ne relevant pas des missions centrales de mon organisation (Oxfam milite et agit contre la pauvreté et les injustices dans le monde), je m’abstiendrai prudemment de tout commentaire sur les décisions de haute politique en matière de stratégie footballistique.
Mais aussi terrible que soit la débâcle des Bleus au regard de la mobilisation en France sur le sujet, Oxfam France ne pouvait pas imaginer que l’engagement de notre pays sur des thèmes tels que la lutte contre la crise alimentaire ou la santé dans les pays du Sud serait entièrement éclipsé par 23 paires de crampons et le tumulte des vuvuzelas.
Dommage collatéral
Or, aujourd’hui, étonnement, la question s’est posée. Effet collatéral imprévu des « contraintes d’agenda très lourdes » du Président, comme l’affirme le message reçu hier par les ONG, ou en « raison de contraintes liées à la préparation des sommets » comme le dit, aujourd’hui, un nouveau communiqué de l’Elysée, l’annulation de notre réunion est troublante.
Ce rendez-vous avec les ONG- un rituel dans l’agenda du Président – est en effet extrêmement important pour nos organisations, porteuses des attentes des nombreux Français qui soutiennent les actions de nos associations. Paradis fiscaux, évasion fiscale, taxes internationales sur les transactions financières, aide en faveur de la santé maternelle et la gratuité des soins, changement climatique, lutte contre la crise alimentaire, rappel des engagements de la France… les sujets valaient bien une réunion de travail au plus haut niveau de l’Etat.
D’autant plus qu’il y a, en la matière de vraies raisons d’espérer. Dans les secteurs où des ressources humaines et financières importantes ont été mobilisées, les résultats sont encourageants. Aujourd’hui, par exemple, même si l’accès universel n’est pas atteint, plus de 4 millions de personnes vivant avec le VIH bénéficient d’un traitement antirétroviral. L’amélioration de la vaccination infantile, le recours au micro-crédit pour les femmes les plus pauvres constituent d’autres succès bien documentés.
Des solutions existent
Partant de ces bonnes pratiques, il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. Pour cela des solutions existent.
Reste surtout une chose que même une déroute de la France à la coupe du monde de football ne remet heureusement pas en cause : nos concitoyens (tous les sondages le montrent) sont attachés au message de solidarité internationale d’Oxfam en direction des populations les plus pauvres de la planète. Encore faut-il que ces sujets fassent l’objet d’un minimum d’attention.
C’est vrai, en particulier, pour un sujet sur lequel nous serons particulièrement vigilants cette semaine : opportunité historique et enjeu majeur, le Président Sarkozy portera-t-il bien au G8 et au G20 une position forte en faveur d’une taxe sur les transactions financières avec un mandat clair pour financer la lutte contre les changements climatiques et contre la pauvreté ?
La France et la lutte contre la pauvreté
Au Canada, le Président français devra également réaffirmer les engagements de la France en matière de lutte contre la pauvreté dans le monde, et proposer, avec les autres chefs d’état, un plan d’action pour rattraper le retard pris sur les promesses faites en 2005 à Gleneagles d’augmenter l’aide internationale de 50 milliards de dollars d’ici à 2010.
A un an du G8 et du G20 en France, nous refusons de croire que la seule refonte des enceintes footballistiques françaises soit en tête des priorités de la France dans le monde.
Mais, comme on n’est jamais trop prudent, pour qu’enfin notre pays puisse porter dans le monde un message fort de solidarité internationale avec les populations les plus pauvres de la planète, il nous faut maintenant espérer que l’an prochain les prochains G8 et G20 ne tomberont pas pendant la finale de la coupe de la Ligue ou le concours de l’Eurovision. On ne sait jamais.
Par Luc Lamprière, Oxfam France