John Allen n’a pas pris au sérieux le mail anonyme affirmant que Jill Killey, 37 ans, qu’il devait voir à Washington la semaine suivante, serait source de problèmes et qu’il serait mieux avisé de garder ses distances. Le général de 58 ans a pensé à une plaisanterie, ne voyant pas comment quiconque serait au courant de son intention de voir son amie, spécialisée dans l’organisation d’événements mondains à Tampa, en Floride, selon un proche de l’intéressé.
Ayant elle aussi reçu des courriels menaçants de "Kelleypatrol" l’enjoignant de rester loin du général Petraeus, Jill Kelley a contacté un ami au FBI, l’agent spécial Frederick Humphries, qui a alerté ses collègues de la cybercriminalité, estimant qu’il pouvait exister un risque pour la sécurité nationale si quelqu’un surveillait des militaires.
Le FBI est remonté jusqu’à Paula Broadwell, 40 ans, biographe et, comme il le découvre, ex-maîtresse de David Petraeus, 60 ans. Leur liaison aurait commencé en novembre 2011, deux mois après l’arrivée du général à la retraite à la tête de la CIA, et se se rait terminée en juillet, selon un proche du militaire, le colonel en retraite Steve Boylan.
L’enquête a aussi révélé l’existence d’un échange de milliers de mails entre Jill Kelley et le général Allen. Ce dernier fait l’objet d’une enquête du Pentagone pour "communications déplacées" et a vu sa nomination à la tête de l’OTAN en Europe gelée même s’il reste en poste en Afghanistan, où il avait succédé à Petraeus.
Le scandale a éclaté vendredi dernier, avec la démission du général Petraeus, trois jours après la réélection du président Barack Obama. Le militaire devait être entendu par des élus du Congrès à huis clos jeudi ou vendredi.
Il a déclaré à CNN ne jamais avoir transmis d’informations confidentielles à Paula Broadwell, elle-même réserviste et spécialiste du contre-terrorisme. Il a aussi affirmé que sa démission n’avait rien à voir avec son audition prévue devant le Congrès au sujet de l’attaque du consulat de Benghazi, en Libye, dans laquelle quatre Américains, dont l’ambassadeur, ont été tués le 11 septembre dernier.
Le ministre de la Défense, Leon Panetta, a déclaré jeudi qu’à sa connaissance aucun autre haut gradé n’était impliqué dans l’affaire. Il n’a pas exclu que les talibans afghans exploitent l’infidélité de Petraeus pour leur propagande et demandé aux chefs d’état-major de se pencher sur la sensibilisation à l’éthique et les moyens d’empêcher les militaires d’avoir des problèmes.
Quant à Barack Obama, il est resté prudent mercredi, affirmant que rien ne montrait que les révélations sur les deux généraux aient porté atteinte à la sécurité nationale.
Mais le Congrès n’est pas convaincu et continue de poser la question ainsi que celle de savoir pourquoi il n’a pas été informé plus tô t. Jugé par sa hiérarchie trop proche de Jill Kelley, qu’il avait rencontrée en 2011 et à qui il avait envoyé des photos de lui torse nu, Frederick Humphries, 47 ans, a été tenu à l’écart de l’enquête. Mais il a pris l’initiative d’informer un représentant républicain qui a fait transmettre au chef de la majorité à la Chambre des représentants, Eric Cantor. Le FBI a déclaré à ce dernier que la sécurité nationale n’était pas menacée.
Le FBI a par ailleurs découvert un grand nombre de documents sensibles dans l’ordinateur de Paula Broadwell et chez elle, selon un responsable policier ayant requis l’anonymat. La possession non autorisée de documents estampillés secret-défense est un crime et l’armée a suspendu l’autorisation d’accès de Broadwell aux bâtiments de sécurité.
Le directeur du FBI, Robert Mueller, et son vice-directeur Sean Joyce ont présenté l’enquête à des membres du Congrès à huis clos mercredi. Le directeur par intérim de la CIA, Michael Morell, s’est expliqué devant la Commission du renseignement de la Chambre des représentants. Les audiences se poursuivaient jeudi.
Quant à Jill Kelley, elle a été privée de son accès à la base militaire de MacDill près de Tampa, dont de nombreux officiers participaient à ses soirées.