La terrible solitude arabe de Bachar al Assad
Alors que les cliquetis de guerre contre la Syrie de Bachar Al Assad commencent à se faire entendre au Proche Orient, nombreuses sont les questions qui commencent se poser de manière pertinente. Bachar al Assad ? Combien de divisions diplomatiques arabes? Force est de constater que le régime syrien nage dans un désert diplomatique sans précédent. À part le stratégique soutien russe et l’organique solidarité iranienne et son obligé libanais le Hezbollah, Bachar al Assad n’a jamais été aussi seul et aussi isolé de son environnement vital et naturel qu’est le monde arabe.
Pour avoir une idée sur l’importance inédite d’une telle convergence, il faut rappeler avec quelle violence les deux pays s’affrontent sur un sujet aussi effervescent que la crise égyptienne. Tandis que L’Arabie Saoudite soutient à bout bras le général Abdelfatah Sissi, le tombeur de Mohamed Morsi et des Frères musulmans, et se dit prête à tenir sous perfusion l’économie Égyptienne, le Qatar se démêle comme un diable pour prouver à l’opinion arabe et internationale l’illégalité du coup d’Etat des militaires égyptiens et donc compliquer d’avantage aux nouveaux maîtres du Caire leur installation au pouvoir.
La compétition entre ces deux puissances régionales arabes par voie médiatique et diplomatique est telle qu’elle constitue une des principales attractions politiques du moment. Agents diplomatiques et veilleurs de réseaux sociaux s’en délectent. Et pourtant ces deux pays se retrouvent sur l’impérieuse nécessité d’abattre le régime de Bachar al Assad. Leur soutien politique et militaire à l’opposition syrienne a été décisif dans l’isolement international du régime de Damas même si les deux pays n’ont pas la même vision sur l’alternative syrienne à imposer après la chute de la maison Assad.
Sans grande surprise, les autres pays du golfe s’alignent sur les positions déjà tranchées par Ryad et Doha. Si leurs soutiens à l’opposition syriennes attirent moins de lumières, leur intransigeance à l’égard du Hezbollah libanais et ses satellites financiers, considéré comme le bras armé des syriens et des iraniens au Liban, a été d’une redoutable efficacité.
L’Égypte a, quand à elle, soufflé le chaud et le froid sur la crise syrienne. Après avoir entrepris des démarches de séduction auprès des autorités iraniennes, l’ex-président égyptien Mohamed Morsi avait spectaculairement coupé les relations diplomatiques avec Bachar al Assad en juin dernier. Le nouveau pouvoir au Caire, sous la houlette du général du Abdelfatah Sissi, ne s’est pas précipité à recoudre les liens rompus et a mis l’ensemble de la diplomatie égyptienne en mode attente sur le sujet.
À l’égard de la crise syrienne, le Maghreb se positionne en ordre dispersé. Tandis que le Maroc a fait le choix stratégique de soutenir l’opposition syrienne en accueillant à, Marrakech, en Décembre 2012, une de ses plus importantes réunions de mobilisation des fonds et des réseaux , l’Algérie de Abdelaziz Bouteflik hésite toujours à rompre sa sympathie traditionnelle à l’égard du régime de Damas. Solidarité entre régimes autoritaires oblige, l’Algérie camoufle cette position sous le pompeux principe de non ingérence dans les affaires des autres pays.
La Tunisie, dont le régime actuel dans sa version islamisante, est le fruit direct du printemps arabe, a depuis le début de la crise syrienne eu un tropisme prononcé envers l’opposition syrienne. Le fondamentalisme ambiant en Tunisie avec le triomphe politique du parti de Rached Ghannouchi, Ennahda, a encouragé les autorités tunisiennes à fermer les yeux sur les nombreux réseaux djihadistes tunisiens qui alimentent l’action armée de l’opposition contre Bachar al Assad. La Tunisie de Moncef Marzouki a eu à faire ce grand écart politique entre une critique ouverte de l’intervention militaire française au Mali contre les groupes islamistes violents et une adhésion aux thèses de l’opposition syrienne qui visent à déposer par le force Bachar al Assad .
Une simple comparaison entre les opérations militaires internationales qui ont démantelé les régimes de l’irakien Saddam Hussein et du libyen Mouamar Kadhafi montre à quel point Bachar al Assad est terriblement seul. Les opinions arabes étaient franchement clivées sur le cas irakien, ouvertement sceptiques sur le cas libyen mais dangereusement consensuel sur le cas syrien. La grande faillite de Bachar est qu’en deux années de conflit avec son opposition, il s’est aliéné et les états arabes et les opinions arabes. Le tournant de l’arme chimique peut sonner comme le signal de fin et de délivrance.