« We Are 4 lions », une comédie décapante sur une cellule terroriste anglaise

Le film aurait aussi bien pu s’appeler "Les Pieds nickelés du djihad international". Et pour cause. Cette petite bombe comique raconte le chemin de croix de quatre Anglais d’origine pakistanaise, déterminés à entrer dans l’histoire en tuant le maximum de kouffar ("mécréants") dans une série d’attentats-suicides. Seul problème: ils ne possèdent pas le mode d’emploi…

Le thème est tabou, comme le rappelait récemment le New York Times: "Le terrorisme et la guerre contre le terrorisme sont toujours des sujets plus ou moins interdits pour les comédies." We Are 4 Lions a d’ailleurs suscité une polémique en Angleterre, qui fut le théâtre d’une attaque terroriste d’envergure le 7 juillet 2005 (56 morts), perpétrée par des islamistes anglais.

Les familles de victimes ont exigé l’interdiction du film et appelé au boycott des exploitants. Son réalisateur, Chris Morris, a dû batailler pour trouver un financement, après le refus de la BBC et de Channel 4 de produire un long métrage aussi "touchy". Malgré cette levée de boucliers, le film a engrangé succès critique et commercial avec plus de 650.000 entrées en Grande-Bretagne (pour un budget dérisoire de 2 millions d’euros). "Les fatwas sont surtout venues des non-musulmans, je n’ai eu aucun problème avec la communauté musulmane en Angleterre", s’amuse Chris Morris, réputé pour son émission satirique Jam.

Déconnexion entre foi sincère et idéologie

Ni film antimusulman ni comédie décérébrée sur un sujet grave, We Are 4 Lions, réalisé à la manière d’un docu-fiction, s’impose comme une satire grinçante et corrosive. On rit à suivre le parcours de ces soldats du djihad parodiques, des camps d’entraînement pakistanais en passant par la cuisine d’un appartement minable où ils fomentent leur guerre planétaire. Il y a Omar, la tête de la cellule terroriste, marié avec une féministe; Barry, une brute épaisse doublée d’un pervers sexuel; Hassan, le neuneu de la bande – et le plus dangereux. Sans oublier Waj, le bourgeois qui cite à longueur de journée le rappeur californien 2Pac: "Quand je mourrai, je ne serai pas mort." Ils détestent les juifs, les gays, les gynécos, les McDo, sans même savoir pourquoi. Juste une bande de paumés ordinaires reconvertis dans la guerre sainte.

Chris Morris a potassé son sujet durant trois ans, il a rencontré des musulmans radicaux et apolitiques, des imams, des spécialistes du terrorisme, des membres des services secrets… pour aboutir à cette conclusion: le terrorisme peut aussi être un terrain fertile pour la comédie, et pas seulement un objet de paranoïa et d’hystérie. "Plus je me renseignais, plus la réalité semblait s’opposer aux clichés de l’islamiste diabolique. Une cellule terroriste connaît les mêmes dynamiques que n’importe quel groupe humain, avec des conflits, des rivalités et des malentendus", résume Chris Morris.

Loin de stigmatiser une religion, le film illustre la déconnexion entre foi sincère et idéologie. "Les jeunes impliqués dans le djihad ont une lecture très limitée des textes sacrés", explique le réalisateur, qui n’oublie pas d’égratigner les services secrets britanniques et certains errements de la lutte antiterroriste. We Are 4 Lions joue habilement avec tous les codes du film d’action (suspense, trahison, course contre la montre…) pour mieux les dynamiter. Et réussit à faire rimer djihad avec franche rigolade.

We Are 4 Lions **
De Chris Morris, avec Riz Ahmed, Arsher Ali, Nigel Lindsay. 1h41. Sortie mercredi.

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