Vive polémique en Jordanie sur un accord gazier avec Israël
Une polémique enfle en Jordanie au sujet d’un important accord gazier prévu avec Israël, ses détracteurs rejetant toute coopération avec un pays considéré encore comme un « ennemi » 20 ans après le traité de paix.
Aucune date n’a été fixée pour la signature de l’accord qui doit encore soumis à l’approbation du gouvernement jordanien.
C’est en septembre que les exploitants du champ de gaz naturel israélien Leviatan ont signé le protocole d’accord avec Amman qui prévoit la vente de 45 milliards de m3 -au total sur toute la période- de gaz à la Compagnie électrique nationale jordanienne.
Mardi, le Parlement a tenu une session consacrée à cet accord controversé après la signature par 79 députés sur 150 d’une pétition réclamant son annulation, alors que les Jordaniens, dont environ la moitié sont d’origine palestinienne, continuent de rejeter toute normalisation avec Israël.
"La fourniture de l’énergie fait partie de notre sécurité nationale, alors comment peut-on la lier directement à un ennemi qui ne respecte ni les traités ni les engagements?", a demandé le président de la commission parlementaire de l’énergie, Jamal Qamwa, interrogé par l’AFP.
– ‘Otage’ d’Israël? –
Il a appelé le gouvernement à trouver "une solution de rechange", soit en ayant recours aux énergies renouvelables soit en important le gaz d’un pays autre que "l’ennemi sioniste". "Acheter du gaz à Israël fera de nous un otage du régime sioniste", affirme-t-il.
Cet accord constituerait la plus importante collaboration entre Israël et la Jordanie depuis leur accord de paix en 1994.
Défendant le projet, le ministre de l’Energie Mohamed Hamed affirme qu’il "ne menace pas l’avenir du royaume et ne rend pas son économie otage d’un quelconque pays".
Selon lui, le prix du gaz israélien pourrait contribuer "à diminuer d’environ 2 milliards de dollars la facture énergétique annuelle de la compagnie nationale d’électricité" qui accuse de grosses pertes.
L’alternative, avertit-il, serait de "couper le courant électrique à raison de huit heures par jour ou d’augmenter les prix de l’électricité".
Ayant peu de ressources naturelles et traînant une dette extérieure de plus de 23 milliards de dollars, Amman tente de réduire des déficits récurrents et d’atténuer les effets de la réduction de fourniture de gaz égyptien cible de sabotages. La production d’électricité dépendait à 80% du gaz égyptien.
Mais Youssef Mansour, qui préside l’Agence jordanienne pour le développement économique, dénonce le projet comme une initiative "très stupide". "Nous ne pouvons pas compter sur Israël. Si ce pays décide de cesser la fourniture de gaz ou d’augmenter les prix, nous nous retrouverons à la merci d’un Etat qui, jusqu’en 1994, était l’ennemi de la Jordanie".
M. Mansour, qui dirige aussi Envision Consulting Group basé à Amman, met en outre en avant la nécessité de "respecter" les "sentiments d’environ 400.000 réfugiés palestiniens et ceux de la moitié de la population jordanienne qui ont des proches en Palestine".
Après la guerre en août-juillet à Gaza et les fortes tensions à Jérusalem, les Jordaniens ont manifesté quasiment toutes les semaines pour appeler à renoncer au traité de paix avec Israël.
Réfutant elle aussi toute collaboration avec Israël, la confrérie des Frères musulmans, principale force d’opposition, a "condamné et rejeté un accord susceptible de soutenir l’économie de l’ennemi sioniste, de contribuer à sa politique de meurtre de nos proches en Palestine et de prolonger son occupation détestable".