Une manifestation anti-Charlie Hebdo tourne à l’affrontement au Pakistan

Des milliers de manifestants ont dénoncé vendredi au Pakistan la publication d’une nouvelle caricature de Mahomet par Charlie Hebdo, la contestation tournant à l’affrontement devant le consulat français de Karachi où un photographe de l’AFP a été grièvement blessé par balle.

Le Pakistan, deuxième pays musulman le plus peuplé au monde avec ses près de 200 millions d’habitants, avait condamné la semaine dernière l’attaque contre le journal satirique français qui a fait douze morts et ne cesse de défrayer la chronique au "pays des purs".

Mais au cours des derniers jours, le ton s’est durci, avec une première manifestation en hommage aux frères Chérif et Saïd Kouachi, auteurs de l’attaque contre l’hebdomadaire français, jusqu’à la parution du numéro des "survivants" de Charlie Hebdo où Mahomet est dessiné pleurant.

Outrés, les grands partis islamistes, dont la Jamaat-e-Islami (JI), avaient appelé à des manifestations nationales pour dénoncer ce nouveau numéro de Charlie Hebdo qui n’est ni disponible en version papier, ni accessible en ligne au Pakistan.

A Karachi (sud), grouillante métropole de 20 millions d’habitants, la manifestation a tourné à la confrontation lorsque des protestataires ont tenté de s’approcher du consulat français.

La police a fait des tirs de sommation, utilisé des gaz lacrymogènes et un canon à eau pour tenter de disperser des manifestants réunis après la traditionnelle prière du vendredi.

Un photographe pakistanais de l’Agence France-Presse (AFP), Asif Hassan, 38 ans, travaillant pour l’AFP depuis une dizaine d’années, a été grièvement blessé par balle, puis transporté d’urgence à l’hôpital Jinnah, où il a subi avec succès une intervention chirurgicale.

"La balle est entrée dans son poumon et est ressortie par sa poitrine. Il est hors de danger dans l’immédiat", a déclaré à l’AFP Seemi Jamali, porte-parole de cet hôpital.

Selon la police et des témoins, la balle provenait des manifestants, mais il n’a pas été possible de confirmer cette information, les protestataires accusant, eux, la police d’avoir ouvert le feu. Asif Hassan, un photographe expérimenté, ne portait par ailleurs aucun signe distinctif l’associant à l’AFP.

Deux autres personnes, un policier et un caméraman d’un chaîne locale, ont été légèrement blessées, selon les autorités hospitalières.

– Une réaction en crescendo –

Des manifestations ont aussi lieu vendredi dans les autres grandes villes du pays, à Islamabad, Lahore (est), Peshawar (nord-ouest) et Multan (centre) où un drapeau français a été brûlé, selon des journalistes de l’AFP sur place.

"Le gouvernement français devra s’excuser auprès des pays musulmans. Tous les pays musulmans doivent être unis", a déclaré dans un rassemblement le chef de la Jamaat-e-Islami, Siraj ul-Haq, appelant à d’autres manifestations et saluant les déclarations du pape François pour qui la liberté d’expression n’autorise pas d’"insulter" la foi d’autrui.

"L’Europe devrait savoir que ce n’est pas une question banale, c’est un enjeu qui est vital pour nous", a ajouté Siraj ul-Haq en référence à la caricature du prophète musulman Mahomet, dont la représentation demeure sujet de controverses.

Le Premier ministre Nawaz Sharif et le parlement ont par ailleurs condamné la publication de "caricatures blasphématoires" selon une résolution adoptée à l’unanimité par les parlementaires.

Et le Jamaat ul-Ahrar, une faction des talibans pakistanais, en lutte contre le pouvoir, a salué vendredi les auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo et même appelé à des représailles contre "les ennemis de l’islam".

Dans le monde musulman, outre le Pakistan, le Qatar a estimé vendredi que les nouvelles caricatures du prophète Mahomet alimentaient "la haine et la colère" et des dizaines d’islamistes ont manifesté devant l’ambassade de France au Koweït.

En 2012, le Pakistan avait connu des manifestations sanglantes dans la foulée de la publication de caricatures de Mahomet et surtout de la diffusion du film américain anti-islam "L’innocence des musulmans". Les autorités avaient à cette occasion bloqué l’accès au site de partage de vidéos YouTube, qui n’a jamais été rétabli.

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