Un temps triomphant, le candidat Biden coupé dans son élan face à un Trump omniprésent
Il venait de signer un retour historique en tête de la course à l’investiture démocrate lorsque la campagne présidentielle américaine a soudainement été bouleversée par la pandémie de coronavirus. Interrompu en plein élan, coincé chez lui, Joe Biden est presque inaudible face à un Donald Trump en première ligne médiatique.
L’ancien vice-président de Barack Obama avait, à la mi-mars, accumulé une telle série de victoires que la sortie de route de son dernier grand rival dans les primaires démocrates, Bernie Sanders, semblait inéluctable.
Mais la crise du coronavirus a changé la donne.
Alors qu’il prône depuis des années une refonte complète du système de santé américain, le sénateur indépendant s’accroche à la campagne avec des tables rondes sur l’épidémie retransmises sur internet et affirme voir encore « une voie étroite vers la victoire ».
S’il peine aussi à se faire entendre dans les médias, Bernie Sanders n’en complique pas moins la tâche de Joe Biden qui doit à la fois vaincre cet adversaire et faire campagne contre le président républicain, qui briguera un second mandat le 3 novembre.
« Les crises sont des moments fondamentalement présidentiels et dans ce contexte, Biden n’a simplement pas la capacité de s’imposer », analyse Josh Pacek, professeur spécialiste de la communication politique à l’université du Michigan.
Donald Trump dispose d’une tribune de choix avec ses longues conférences de presse quotidiennes sur la situation qui évolue rapidement. Les Etats-Unis déploraient plus de 5.000 morts, avec plus de 215.000 cas détectés.
Depuis qu’il a décidé d’être la vedette de ces points presse, Donald Trump a vu sa popularité augmenter, jusqu’à frôler les 50%.
Et la cote d’un démocrate qui ne brigue pas la Maison Blanche, le gouverneur de New York Andrew Cuomo a grimpé à mesure qu’il informait sur l’épidémie frappant durement son Etat. Au point que Donald Tump a jugé qu’il ferait un bien meilleur candidat que Joe Biden, même si l’intéressé a démenti vouloir se lancer à la dernière minute.
En face, Joe Biden, 77 ans, multiplie les interviews depuis un studio de télévision monté à la hâte dans son sous-sol. Mais sans parvenir réellement à s’imposer sur les ondes saturées.
D’autant que les primaires prévues ces jours-ci ont été reportées, asséchant davantage la couverture médiatique des élections. Le suspense pèse encore sur celle du Wisconsin, prévue le 7 avril.
Même si ce scrutin est maintenu, les candidats ne feront pas campagne sur le terrain. Et pour un Joe Biden dont l’un des grands atouts est de savoir établir des liens chaleureux avec les électeurs qu’il rencontre, le confinement est un coup dur.
« Cela ne m’inquiète pas », a-t-il déclaré sur CNN mardi, en expliquant que les messages qu’il transmet depuis sa maison, centrés essentiellement sur l’épidémie, « ont été vus par 20 ou 30 millions de personnes » selon son équipe.
« Je ne dirais pas qu’il a été coupé » des électeurs, explique à l’AFP Amy Dacey, experte en politique de l’American University qui a conseillé Barack Obama et John Kerry pour leurs campagnes.
« Un candidat compte sur de nombreux outils », y compris en ligne, poursuit cette ancienne haute responsable du parti démocrate. « Au fond, les campagnes sont une conversation avec les électeurs (…) et il n’est pas seul » à s’adresser à eux, puisque ses soutiens « peuvent aussi amplifier son message ».
– « Image rassurante » –
Dans ces circonstances inédites, la route vers la Maison Blanche reste encore très incertaine.
« En temps de crise, les gens se tournent vers l’exécutif pour être rassurés », reconnaît David Parker, professeur en sciences politiques à l’université du Montana.
Mais, souligne-t-il, dans le cas du milliardaire « cet effet semble plutôt réduit ». Les présidents républicains George Bush et son fils George W. Bush avaient vu leur cote de popularité exploser jusqu’à 90%, juste après la première guerre du Golfe et le 11-Septembre, respectivement.
Montages vidéo de ses commentaires minimisant le risque du coronavirus en début d’année, explosion du chômage… Donald Trump fait en outre l’objet de critiques acerbes sur sa gestion de la crise qui pourraient peser dans les urnes.
Joe Biden doit « avant tout souligner à quel point son style de présidence pourrait être différent, et présenter une image rassurante », avance David Parker.
Dans un spot de campagne dévoilé mercredi, l’ancien vice-président se compare justement à Donald Trump qui houspille, très irrité, un journaliste.
Par contraste, Joe Biden se montre répondant d’un ton calme à une interview sur la pandémie.
La conclusion de ce spot, sur fond de musique dramatique? En ces temps difficiles, « nous avons besoin d’un président. En novembre, vous pourrez en élire un ».
Reste à savoir si les électeurs l’entendront.