Pourtant, les spécialistes se posent actuellement la question d’étendre le programme aux femmes à partir de 40 ans. En effet, "les cancers du sein entre 40 et 50 ans représentent 16,5% de l’ensemble des cancers du sein", a précisé le Dr Marc Espié (hôpital Saint-Louis), lors d’un colloque organisé par les Comités féminins pour la prévention et le dépistage des cancers. De plus, l’évolution des cancers chez les femmes plus jeunes est plus rapide, d’où l’importance d’une détection précoce. Sur 24 pays qui ont un programme national de dépistage, 5 ont fixé le seuil dès 40 ans, deux à 45 ans. En Grande-Bretagne, il va être abaissé de 50 à 47 ans.
Un risque accru de cancer radio-induit ?
Néanmoins, l’extension de ce dépistage suscite de nombreuses questions et les spécialistes avancent plusieurs arguments allant contre cette possibilité. A ce jour, près de la moitié des femmes entre 40 et 49 ans a déjà eu une mammographie. Etendre le dépistage consisterait donc à augmenter la surveillance. Mais cela serait-il bénéfique ? Pas nécessairement d’après le Dr Anne Tardivon de l’Institut Curie. Celle-ci explique en effet que les femmes plus jeunes ont généralement des seins plus denses, plus hétérogènes, soumis à des variations en raison des cycles hormonaux. Autant de facteurs qui augmentent le risque de "manquer un cancer" ou au contraire d’en diagnostiquer à tort, rapporte l’AFP.
Autre argument : le problème de l’irradiation subie lors de ces examens dont la référence est la mammographie qui utilise des rayons X. Le sein est l’un des organes les plus radiosensibles, et plus on irradie jeune, plus le risque de cancer radio-induit est important, explique le Dr Catherine Colin des Hospices civils de Lyon. "A priori, après 50 ans, on est tranquille", mais entre 40 et 45 ans, "les études ne tranchent pas", précise t-elle.
Un dépistage plus ciblé
De son côté, la présidente de l’Institut national du cancer (INCa) Agnès Buzyn exclut totalement cette possibilité : "Il n’existe pas d’éléments justifiant une extension du programme de dépistage généralisé". Toutefois, "la question se pose d’un dépistage plus ciblé en fonction des facteurs de risque individuels" qui sont par exemple des antécédents familiaux, du tabagisme, ou encore du surpoids.
Une surveillance déjà mise en place chez les femmes porteuses d’une mutation génétique associée à un haut risque de développer un cancer du sein. Dès 30 ans, celles-ci font l’objet d’une surveillance annuelle qui comprend mammographie, échographie et IRM. Si la question est donc loin d’être débattue, les spécialistes restent "prudents pour l’instant", confirme la président de l’INCa.