Trois journalistes d’Al-Jazeera condamnés à 3 ans de prison en Egypte
Trois journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera ont été condamnés en Egypte à trois ans de prison ferme, et deux d’entre eux immédiatement arrêtés, malgré les appels de la communauté internationale à clore cette affaire.
Ils sont accusés d’avoir soutenu à travers leur couverture médiatique les Frères musulmans, l’organisation de l’ex-président islamiste Mohamed Morsi, destitué en juillet 2013 par l’ancien chef de l’armée et actuel chef de l’Etat, Abdel Fattah al-Sissi.
En prononçant son verdict, le juge Hassan Farid a affirmé que les trois hommes "n’étaient pas des journalistes" car ils n’étaient pas enregistrés comme tel auprès des autorités. Tous trois ont couvert de nombreux conflits au Moyen-Orient pour des médias étrangers.
La chaîne qatarie a affirmé qu’elle allait faire appel devant la Cour de cassation, qui pourra confirmer le jugement ou l’annuler. En cas d’annulation, elle devra elle-même examiner cette affaire.
MM. Fahmy, 41 ans, et Mohamed, 31 ans -qui a écopé d’une peine de six mois supplémentaire au motif qu’il était en possession d’une balle de pistolet ramassée lors d’une manifestation-, ont été arrêtés au tribunal après l’énoncé du verdict, devant une assistance sous le choc.
La femme de M. Fahmy, en larmes, était présente au tribunal, aux côtés de l’avocate de son époux, Amal Clooney, qui a indiqué qu’elle allait rencontrer des responsables du gouvernement pour demander une grâce présidentielle et l’expulsion de son client.
"Je suis terriblement choqué", a déclaré à l’AFP le frère de M. Fahmy, Adel.
Le Canada a de son coté exigé la libération "immédiate et sans condition" de son ressortissant, qui a renoncé à sa nationalité égyptienne pour pouvoir être expulsé du pays, comme l’avait été son collègue australien Peter Greste, condamné samedi par contumace.
Sur Al-Jazeera, M. Greste, 49 ans, a dénoncé un verdict "franchement scandaleux". "Nous n’avons rien fait de mal, a-t-il ajouté. Le parquet n’a présenté aucune preuve (…). Nous allons continuer à nous battre".
La ministre australienne des Affaires étrangères Julia Bishop a exprimé sa "consternation" après la condamnation des trois journalistes de l’antenne anglophone d’Al-Jazeera.
– ‘Affront à la justice’ –
La chaîne basée à Doha a elle dénoncé "une attaque délibérée contre la liberté de la presse" et fustigé une affaire "totalement politisée" alors que l’ONG Amnesty International a condamné "un affront à la justice qui sonne le glas de la liberté d’expression en Egypte".
"C’est un précédent dangereux en Egypte (de voir) que des journalistes peuvent être emprisonnés simplement pour rapporter des informations et que les tribunaux peuvent être utilisés comme des instruments politiques", a également déclaré Mme Clooney.
MM. Fahmy et Greste avaient été interpellés en décembre 2013 dans une chambre d’hôtel du Caire transformée en bureau.
Lors d’un premier procès en juin 2014, ils avaient écopé de sept ans de prison et M. Mohamed de dix ans. Mais la Cour de cassation avait annulé les condamnations des journalistes.
A l’ouverture en février de leur nouveau procès, MM. Fahmy et Mohamed avaient été remis en liberté conditionnelle après plus de 400 jours de détention.
Les peines initiales des journalistes avaient suscité une pluie de critiques internationales et le président Sissi avait reconnu qu’il aurait mieux valu expulser les reporters plutôt que de les juger.
L’affaire avait débuté en pleine crise entre l’Egypte et le Qatar, à couteaux tirés depuis l’éviction de M. Morsi.
Le Caire reprochait à Doha de soutenir les Frères musulmans, notamment via Al-Jazeera, dont les antennes arabophones ont dénoncé la destitution de M. Morsi et la sanglante répression qui s’est abattue sur ses partisans et a fait plus de 1.400 morts.
Trois co-accusés égyptiens des journalistes ont par ailleurs écopé de trois ans de prison, tandis que deux autres ont été acquittés. Ils étaient jugés pour appartenance aux Frères musulmans et pour avoir cherché à "nuire à l’image de l’Egypte".
Selon le Committee to Protect Journalists (CPJ), au moins 18 journalistes, essentiellement accusés d’appartenir à la confrérie islamiste, sont actuellement derrière les barreaux en Egypte.