Tlemcen accueille en liesse Hollande mais ses habitants refusent de tenir le drapeau français

Une foule très dense a salué jeudi à Tlemcen avec des youyous et des "Vive Bouteflika, vive l’Algérie" les présidents algérien Abdelaziz Bouteflika et français François Hollande, mais beaucoup ont refusé d’agiter le drapeau tricolore.

"Je scanderai le nom de Bouteflika seulement et je ne tiendrai pas le drapeau français", a assuré un quadragénaire, expliquant que sa région avait enregistré "500 martyrs" durant la guerre d’indépendance (1954-1962).

Peu de Tlemceniens, pourtant venus en grand nombre accueillir les deux présidents, ont accepté de tenir le drapeau français.

Ceux qui l’ont fait ont été critiqués par la foule, même si paradoxalement, M. Hollande, arrivé d’Alger, a été chaleureusement applaudi lorsqu’il a parcouru à pied avec son hô te le boulevard du colonel Lotfi dans le centre de la ville.

"L’un dans l’autre, cette visite est bénéfique pour les deux pays", a estimé Sofiane, un enseignant.

Les deux présidents ont reçu un accueil riche en couleurs, au son de salves de baroud des cavaliers de la fantasia et des troupes folkloriques.

Des centaines de drapeaux français et algériens étaient disposés le long des grandes artères de Tlemcen et les portraits des deux chefs d’Etat étaient omniprésents dans cette ville d’art et d’histoire, à 580 km à l’ouest d’Alger.

"Assumons ensemble notre histoire commune", "Pour l’amitié algéro-française", "Pour une coopération mutuellement avantageuse" proclamaient des banderoles accrochées sur les différents boulevards.

Par mesure de sécurité, les commerces des principales artères étaient fermés jeudi, les routes interdites à la circulation et des centaines de policiers étaient visibles dans la ville.

"En état de siège"

"Tlemcen-ville est en état de siège. Ils ont ramené tous les policiers de l’ouest algérien", a protesté Ahmed, un juriste. "Ca doit faire le bonheur des contrebandiers". Située à la frontière avec le Maroc, la région est le théâtre d’importants trafics entre les deux pays.

De nombreux habitants des communes avoisinantes ont été acheminés par bus. "Pour moi, cette visite n’est qu’une +transaction commerciale+, mais je suis venue voir Hollande et notre président Abdelaziz Bouteflika", a expliqué Lamia, 18 ans.

Depuis l’élection de M. Bouteflika en 1999, chaque président français invité en Algérie a choisi une ville: Jacques Chirac avait opté pour Oran (ouest) en 2003, Nicolas Sarkozy pour Constantine (est) en 2007.

Entre le scepticisme quant aux "retombées" réelles de cette visite et le bonheur d’avoir deux chefs d’Etats en visite dans leur ville plus que millénaire, les Tlemceniens étaient partagés.

"Moins on espère, moins on est déçu", confiait Amina, cadre de 40 ans. "Qu’est ce que vous attendez de quelqu’un qui représente un pays qui nous a colonisés durant 132 ans? Rien, absolument rien", a lancé Aïssa, une commerçante de 48 ans.

D’autres se voulaient positifs. "J’attends des investissements et une relance économique sérieuse dans la région", a dit Amine, un pharmacien dénonçant la pauvreté de sa ville dont l’artisanat a été célébré partout au Maghreb.

"Nous voulons du concret et le concret, c’est la possibilité d’avoir du travail", ont clamé nombre de jeunes, comme s’ils récitaient un texte. La politique les intéresse peu. Ils veulent "vivre", dit l’un d’eux, et ne pas "survivre" comme leurs aînés.

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