C’est l’histoire d’un ministre en commission parlementaire. Il présente et défend son budget dans le cadre du projet de loi de finances 2026. La monotonie des chiffres, des dépenses et des recettes a tout d’un coup été rompue. Une sortie de route programmée que personne n’a vu venir. Et les députés en sont restés comme hébétés. En tout cas sonnés.
Le ministre de l’Intérieur profite de ce passage en commission pour annoncer aux élus de la Nation que désormais rien ne va plus pour ceux et celles qui auraient la main leste. Quiconque parmi les élus a la très mauvaise et malhonnête idée de s’accaparer un terrain qui n’est pas à lui ou de mettre la main à la caisse a intérêt à rendre et à rembourser ce qu’il a pris de manière indue. « Soit il le rend de bon gré, soit nous irons jusqu’au bout pour qu’il le rende. En tout cas ce qui a été dérobé sera rendu», martèle en substance Abdelouafi Laftit.
A quelques mois des élections législatives marocaines, celui qui préside aux destinées du département de l’intérieur sonne le tocsin devant des députés médusés ou inquiets, c’est selon. Sur le ton de «rends l’oseille et tire- toi », la déclaration ministérielle est plus qu’un rappel à l’ordre ou le sifflet d’une fin de récréation. Le responsable gouvernemental semble prévenir son auditoire. Il y a désormais une nouvelle façon de faire : plus de quartier pour ceux qui d’aventure confondraient caisses de l’Etat et portefeuille personnel. Ce temps serait révolu.
Par contre, M. Laftit ne précise pas si ceux qui rendent l’oseille et tout le reste ne passeront pas par la case judiciaire. Avons-nous affaire à une sorte d’arrangement gagnant-gagnant où l’Etat retrouve ses biens et l’élu à la main leste ne perd pas sa liberté ? Tout cela n’est pas dit ni expressément expliqué, histoire de ne pas mettre à mal le principe nodal de la reddition des comptes. Le ministre a préféré s’en tenir à son principal message et il est loin d’être subliminal.
Ce jour-là, un lourd silence s’est installé dans la salle abritant les travaux de la commission parlementaire. « C’est quoi ce ministre de l’intérieur qui veut remplir les caisses de l’Etat avec l’argent de l’Etat dérobé ? », ont osé demander les plus intrépides. « Mais pourquoi il nous menace ? », ont répliqué ceux qui confondent encore immunité et impunité.
En ces temps de 5G testée au Maroc, un monde nouveau n’en finit pas de nous appeler. On y voit un parlement meilleur où siégeraient des élus au service du peuple et de la Nation. On peut rêver et le ministre de l’intérieur peut continuer de menacer.
