Takieddine affirme avoir remis à Sarkozy 5 millions d’euros provenant du régime Kadhafi
Il avait déjà accusé Nicolas Sarkozy d’avoir perçu des fonds libyens lors de la campagne de 2007: à cinq jours de la primaire à droite, l’homme d’affaires Ziad Takieddine affirme avoir personnellement remis à l’ex-président et son camp cinq millions d’euros provenant du régime Kadhafi.
Devant des enquêteurs, Ziad Takieddine, le sulfureux intermédiaire franco-libanais, a divergé dans ses explications: tantôt il disait pouvoir "fournir les éléments existants" sur le financement de la campagne, tantôt il affirmait ne pas être en mesure d’en apporter la preuve matérielle. S’il n’a jamais fourni ces preuves, c’est la première fois qu’il s’implique lui-même dans ces remises de fonds.
Entre novembre 2006 et début 2007, "j’ai transporté (…) un total de cinq millions d’euros" dans des valises lors de trois voyages entre Tripoli et Paris, a-t-il assuré, dans un entretien filmé samedi et diffusé mardi par Mediapart.
Il a confirmé ses déclarations à l’AFP, évoquant "cinq millions d’euros pour Claude Guéant et Nicolas Sarkozy qui ont été demandés à Abdallah Senoussi", l’ex-chef des services secrets libyens, "dans le cadre de la coopération entre services de renseignement".
Interrogé dans une prison libyenne, en septembre 2012, dans le cadre des poursuites de la Cour pénale internationale, Abdallah Senoussi avait affirmé avoir "personnellement supervisé" le transfert de cinq millions pour la campagne en "2006-2007", selon des éléments de l’enquête des juges d’instruction français sur un possible financement libyen, dont l’AFP a eu connaissance.
Les valises, contenant chacune entre 1,5 et deux millions d’euros en billets de 200 et 500 euros, ont été pour les deux premières déposées directement dans le bureau de Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, assure Takieddine à Mediapart.
Pour le troisième voyage, il affirme avoir effectué la remise, toujours place Beauvau, mais "directement en haut" dans un appartement privé où se trouvait Nicolas Sarkozy, avec qui il dit avoir évoqué le dossier des infirmières bulgares emprisonnées en Libye.
Dans son communiqué, l’avocat de l’ex-chef de l’État, Thierry Herzog, a relevé une contradiction de dates, en fournissant un extrait de procès-verbal de juin 2012 dans lequel Ziad Takieddine disait n’avoir "plus rencontré" Nicolas Sarkozy depuis novembre 2003.
"Chacun pourra ainsi se faire une idée précise de la crédibilité à devoir donner au +témoignage+ de Ziad Takieddine, relatant pour la première fois des faits qui se seraient prétendument déroulés de novembre 2006 à janvier 2007", a déclaré Me Herzog, en promettant des "poursuites judiciaires".
– Timing "étrange" –
"Il est tout de même étrange qu’il avance ses allégations à quelques jours de la primaire de la droite. S’il avait des preuves, pourquoi ne pas les avoir fournies avant?", a aussi relevé l’avocat de Claude Guéant, Philippe Bouchez-El Ghozi, en promettant lui aussi une plainte en diffamation.
Claude Guéant "n’a jamais entendu parler du moindre centime libyen qui aurait pu servir à financer la campagne de 2007 et, malgré les nombreuses investigations diligentées, il n’a jamais été mis en cause à ce titre", a souligné l’avocat, dont le client est mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale dans cette enquête.
Mediapart avait publié, entre les deux tours de la présidentielle de 2012, une note accréditant un versement d’environ 50 millions d’euros, signée de l’ex-chef du renseignement libyen Moussa Koussa. Un faux grossier, accuse Nicolas Sarkozy, dont la plainte s’est, à ce stade, soldée par un non-lieu.
Entendu le 9 mai 2012 dans le volet financier de l’affaire Karachi sur un éventuel financement occulte de la campagne d’Édouard Balladur en 1995, Ziad Takieddine avait estimé que "les informations révélées par la presse" sur la présidentielle de 2007 étaient "tout à fait crédibles". Mais il avait ajouté ne pas avoir été mis au courant à l’époque, malgré son rôle d’intermédiaire entre Paris et Tripoli.
Réinterrogé un mois plus tard, il déclarait qu’il pensait "effectivement qu’il y a eu paiement de la Libye vers la France".
Après trois ans d’investigations, les juges d’instruction disposent de plusieurs témoignages d’ex-hauts responsables du régime libyen qui accréditent la thèse d’un financement occulte, mais ils n’ont pas la preuve que des fonds ont alimenté la campagne.
Source AFP