A l’intérieur du château en pisé du XIXe siècle, le guide saoudien en robe blanche et keffieh à carreaux leur explique les vieilles règles de l’hospitalité arabe.
"Avant de venir, je m’inquiétais des vêtements que je devais porter, des coutumes, des réglementations strictes mais nous avons été positivement surpris", confie Sophia, lunettes de soleil et longue robe laissant apparaître les avant-bras.
"C’est normal, il faut tenir compte des traditions de chaque pays", dit son mari Andrzej, médecin aux boucles grises et en t-shirt orange.
Avec ses amis fascinés comme lui par les pays du Golfe, il raconte avoir déjà visité ces dernières années le Qatar, faute d’avoir obtenu de visa pour l’Arabie saoudite.
Ryad a décidé en septembre d’octroyer des visas touristiques dans ce pays jusqu’alors ouvert aux hommes d’affaires et aux pèlerins se rendant dans les villes saintes de La Mecque et Médine –ces deux cités restent réservées aux seuls musulmans.
Le guide Methaab Abdallah, propriétaire d’une agence de voyage, se réjouit de la décision visant à attirer les touristes et tente de s’y adapter.
"Les autorités vont bien plus vite que nous et avec des moyens supérieurs aux nôtres. Nous devons nous adapter à ce changement rapide. En tant qu’agences de voyage, nous sommes dépendants de ressources humaines, de la formation des guides…", explique-t-il.
"Respectable"
Le développement du tourisme est l’un des axes du programme de réformes qui vise à préparer la plus grande économie arabe, complètement dépendante de l’or noir, à une ère post-pétrolière.
Les campagnes de promotion font la part belle aux sites antiques et aux paysages pittoresques. Mais les autorités comptent également sur les grandes villes comme Ryad ou Jeddah (ouest) via un investissement massif dans le divertissement.
La capitale de huit millions d’habitants semble pourtant inerte, en dépit de l’ouverture le 11 octobre de sa saison culturelle, inaugurée par un concert inédit du groupe de pop coréen au succès planétaire BTS.
Avec ses larges trottoirs et ses commerces cossus, la rue Al-Tahlia dans le centre de Ryad est souvent comparée aux Champs-Elysées mais semble loin de l’agitation parisienne. Seules quelques familles ou groupes d’amis sont attablés sur les terrasses de restaurants.
Au milieu de l’avenue, une grande entrée d’immeuble interpelle avec sa devanture clinquante, une gigantesque inscription lumineuse "Soho Club" et le bruyant retentissement d’une musique tapageuse.
Le portier au large sourire prévient d’emblée: "c’est un club respectable". Un blazer rouge enserrant la poitrine et des écouteurs sans fil plantés dans les oreilles, il tient à en donner la preuve. A l’intérieur, l’ambiance tamisée et le décor cosy rappelle les pubs anglais mais seules quelques familles dégustent un repas dans le calme.
"Importance économique"
"Nous sommes pour le tourisme mais les étrangers doivent respecter nos traditions et nos coutumes", insiste d’un ton ferme un passant. Chez les jeunes, les attentes sont souvent différentes.
"Ne me parlez pas de Ryad, je reviens tout juste d’un weekend à Dubaï !", lance dans un rire un jeune commercial de 27 ans qui a préféré garder l’anonymat.
"Quand on a des jours de vacances, on va à Dubaï. Pourquoi les étrangers viendraient-ils ici ?", s’interroge son ami.
"Les choses s’améliore à Ryad. C’est mieux à Jeddah. Mais ça n’a rien à voir, vous avez tout à Dubaï. Des tas de lieux, les boissons…", commence-t-il à énumérer avant de s’interrompre, l’alcool étant interdit en Arabie saoudite y compris pour les touristes.
Dans une société saoudienne en pleine mutation, le consultant en planification économique Abdallah Al-Fayez estime que l’Etat ne doit pas se contenter de chercher à attirer les étrangers mais doit s’atteler avant tout à améliorer "des infrastructures touristiques (…) et à sensibiliser la population à l’importance du tourisme en termes de ressources économiques et d’opportunités de travail".
"C’est une expérience audacieuse. Il est difficile de prévoir les problématiques qu’elle va poser à la société saoudienne et l’ampleur de la résistance des conservateurs", observe l’économiste.