Rabat : colloque international sur « La palette marocaine d’Eugène Delacroix de 1832 à 1863 »

Les participants à un colloque international sous le thème "La palette marocaine d’Eugène Delacroix de 1832 à 1863" ont jeté la lumière, jeudi à Rabat, sur la visite de cet artiste peintre français au Maroc et son impact sur ses oeuvres.

Lors d’une séance intitulée: "L’homme et son temps" dans le cadre de cet événement culturel de trois jours (11-13 septembre) initié par l’Académie du Royaume du Maroc, les intervenants ont abordé les thèmes: "Delacroix au Maroc, le contexte des années 1830", "Le voyage de Delacroix et les Orients du XIXe siècle" et "Le voyage de Delacroix au Maroc, de l’anecdote à la découverte de la lumière".

S’exprimant à cette occasion, le professeur émérite à l’Université Mohammed V à Rabat, Mohamed Kenbib est revenu sur le contexte dans lequel s’est effectuée en 1832 la mission remplie auprès du sultan Moulay Abderrahmane ben Hicham (1822 – 1859) par l’envoyé du roi Louis Philippe, le comte De Mornay, rappelant qu’Eugène Delacroix faisait partie de la suite de cet ambassadeur venu à Meknès dissuader le sultan de poursuivre l’aide multiforme qu’il apportait à la résistance algérienne depuis la chute d’Alger (juillet 1830).

Il a aussi évoqué la relation triangulaire France-Maroc-Algérie durant la décennie 1830-1840, la bataille d’Isly en 1844 et le début de normalisation des relations Maroc-France.

L’universitaire a ainsi mis l’accent sur les résultats de la mission de De Mornay au Maroc et le séjour de Delacroix à Tanger et Meknès, notant qu’en dépit des pressions, l’appui du sultan Moulay Abderrahmane ben Hicham aux résistants algériens et à l’émir Abdelkader s’est poursuivi et a pris plusieurs formes dont l’accueil des réfugiés après la chute d’Alger.

Il a en outre abordé l’enclenchement d’une "logique de guerre" ayant conduit inexorablement à la bataille d’Isly (1844), faisant observer que le Maroc et la France ont essayé durant 14 ans (1830-1844) d’éviter une confrontation directe.

L’universitaire s’est ensuite attardé sur la normalisation des relations franco-marocaines à partir de 1845-1846 et la nomination d’un ambassadeur marocain en France.

Prenant la parole à son tour, Mme Christine Peltre, professeur des Universités, Présidente du Comité Français d’Histoire de l’Art, a rappelé dans son intervention les artistes épris de l’Orient qui se sont souvenus de la palette marocaine de Delacroix, parmi lesquels Fromentin, Renoir ou Benjamin-Constant.

Elle a également estimé que le regard porté par Eugène Delacroix sur le Maroc et son peuple a défini une autre conception de son voyage dans le Royaume, relevant que ce déplacement a témoigné de la modernité et de l’aventure de l’artiste français.

L’universitaire a en outre mis en avant le passant considérable que fut l’artiste en terre marocaine.

Le voyage de Delacroix en Orient et au Maroc en particulier résume l’antiquité vivante et a été une expérience de découverte et de rencontre avec l’autre, a-t-elle poursuivi, ajoutant que ses tableaux sur le Maroc ont séduit par le souvenir d’observation directe.

Elle a également estimé que ce voyage a révélé un répertoire de couleurs et de formes qui s’inscrivent dans les mémoires et a permis à l’artiste de s’imposer comme le peintre du Maroc qu’il a découvert.

Mme Peltre s’est d’autre part attardée sur la relation de Delacroix avec la musique dans ses oeuvres, citant à ce titre son tableau "Noce juive au Maroc" créé en 1841, et dans lequel il revient sur ses souvenirs lors d’une noce familiale à laquelle il avait été invité en 1832 à Tanger.

Pour sa part, l’écrivain et philosophe Moulim El Aroussi a souligné que l’artiste français était venu à la recherche de l’anecdote orientaliste, soutenant que ce voyage a confronté le peintre à des lumières totalement différentes de celles de Paris et du nord de la méditerranée.

Eugène Delacroix a découvert lors son séjour au Maroc que l’ombre, considéré jusque là comme une absence de lumière, est coloré et porte les couleurs dont il est l’ombre, a expliqué ce professeur à l’Université Hassan II à Casablanca

Cette découverte s’est reflétée dans les paysages que l’artiste a réalisés dans le nord du Maroc, a-t-il dit, relevant que la lumière est devenue ainsi un sujet de la peinture et non un simple éclairage.

Au menu de ce colloque international figurent d’autres séances sur: "Carnets de voyage de Delacroix", "L’orient de Delacroix", "Delacroix et les écrivains" et "Les objets dans la peinture de Delacroix : souvenirs du Maroc".

Ce colloque constitue un temps fort d’échanges et de réflexion dans un jeu de regards croisés, pour mieux comprendre l’artiste et son temps.

Il propose dans une démarche pluridisciplinaire de faire découvrir au public l’œuvre et la personnalité d’Eugène Delacroix à un moment crucial de l’Histoire du Maroc, dans le jeu complexe des représentations.

Prennent part à cet événement marquant les acteurs de la composante artistique du Maroc, dont des fondations, des artistes, des conservateurs de musée, des galeristes, des professeurs et chercheurs universitaires, des étudiants des beaux-arts et spécialistes d’horizons divers.

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