Le Yémen demeure une étape majeure sur la route des migrants d’Afrique qui voyagent généralement par voie terrestre jusqu’à Djibouti, avant une traversée périlleuse du Golfe d’Aden jusqu’au Yémen d’où ils tentent de gagner les riches pays du Golfe.
"Nous prévoyons que les arrivées de migrants au Yémen, pays en guerre, atteindront environ 150.000 personnes cette année", a déclaré à des journalistes à Genève un porte-parole de l’OIM, Joel Millman.
Quelque 20 % sont des mineurs "et beaucoup ne sont pas accompagnés", a précisé M. Millman, qualifiant d’"extraordinaire et inquiétant" le fait que tant de personnes "traversent une zone de guerre dangereuse".
Le chaos semble en fait servir d’argument aux passeurs pour promettre d’échapper aux contrôles, a-t-il estimé, mais "bien sûr, une fois arrivés, la situation est très différente. Il y a des champs de mines à traverser, des échanges de coups de feu".
Des décès sous-estimés
Environ 92 % des migrants entrés au Yémen cette année sont des Ethiopiens, le reste venant de Somalie, selon l’OIM qui ne dispose pas de chiffres sur le nombre de migrants morts en tentant de traverser le pays.
Selon M. Millman, 156 décès de migrants en mer ont été confirmés cette année mais "il n’y a aucun doute que (les décès) sont sous-estimés".
La crise des migrants au Yémen constitue "une urgence" d’une ampleur supérieure à la plupart des grands mouvements migratoires dans le monde, a-t-il ajouté, soulignant que "le chiffre de 150.000 dépasse considérablement, par dizaines de milliers, les prévisions de traversées par mer de migrants irréguliers en Méditerranée cette année".
L’OIM va organiser mercredi une conférence à Djibouti "pour mettre en oeuvre urgemment des améliorations dans la gestion des flux migratoires vers le Yémen et les pays du Golfe". Sept pays y participeront (Djibouti, Egypte, Ethiopie, Arabie saoudite, Koweit, Somalie et Yémen).
Le Yémen est déchiré depuis fin 2014 par un conflit qui a fait, depuis l’intervention militaire en mars 2015 d’une coalition sous commandement saoudien, quelque 10.000 morts et plus de 56.000 blessés selon l’Organisation mondiale de la santé. Des ONG estiment que le bilan réel des victimes directes et indirectes du conflit est largement plus élevé.
L’ONU a averti mardi que "le Yémen n’a jamais été aussi proche de la famine" et que près de 80 % de la population, soit approximativement 24 millions de personnes, ont "maintenant besoin d’une forme ou autre de protection et d’une assistance humanitaire".
"Le pays qui aura le plus gros problème en 2019 sera le Yémen", a déclaré Mark Lowcock, secrétaire général adjoint pour les affaires humanitaires de l’ONU, lors d’une conférence de presse à Genève pour l’appel humanitaire mondial 2019.
Actuellement, le Programme alimentaire mondial (PAM) vient en aide à environ 8 millions de personnes et l’ONU espère porter ce chiffre à 12 millions en 2019, selon M. Lowcock.
"Ce n’est pas un pays au bord de la catastrophe, c’est un pays qui est déjà en situation de catastrophe", a affirmé lors d’une conférence de presse son directeur, David Beasley.