Pour lui qui a l’habitude, en tant que membre du jury du Prix Goncourt, de départager les prétendants à la récompense littéraire la plus convoitée en France dont il est lui-même lauréat en 1987 pour son roman "La nuit sacrée", donner un prix fait autant plaisir que le recevoir. "Le fait de recevoir un prix, fait toujours plaisir, le donner aussi. Mais cette fois-ci je suis vraiment heureux de recevoir un tel prix, au Maroc", a-t-il dit.
Le jury du Prix international de poésie "Argana", présidé par le poète Mohamed Serghini, avait décidé de décerner cette prestigieuse distinction à Tahar Benjelloun, en reconnaissance de "son talent dans l’écriture poétique et son souci à défendre les nobles causes de liberté, de dignité et de tolérance entre les civilisations".
La poésie est partout dans ce que j’écris
La poésie, a-t-il souligné, est présente dans l’ensemble de ses oeuvres. "Elle est partout dans ce que j’écris", dit-il. "J’ai commencé par écrire de la poésie. Je ne savais pas que je m’acheminais vers ce genre littéraire, car ce sont les lecteurs qui décident si vous êtes poète ou pas. Ensuite, comme j’avais des histoires à raconter, je me suis mis au roman, mais même dans mes romans, la poésie fait des incursions. Elle est présente. Elle précise les émotions".
Pour ce qui est de ses convictions, Tahar Benjelloun se défend de se définir comme un "poète engagé" préférant plutôt le qualificatif de "citoyen engagé". "L’engagement est quelque chose qui dépend du citoyen. Je ne fais pas de littérature engagée, mais je suis engagé en tant que citoyen, en tant qu’homme qui est concerné par le monde, par ses injustices, ses malheurs et ses douleurs", a-t-il dit.
Il a tenu à rendre hommage au grand poète que fut Mahmoud Darwish, ancien lauréat du Prix Argana, et à son engagement pour la cause palestinienne. "Il était palestinien, parlait de la Palestine, mais son engagement était avant tout celui d’un homme blessé par la perte et la spoliation de sa terre natale", a souligné l’écrivain et poète marocain.
Décerné par "la Maison de poésie au Maroc" et la Fondation CDG, avec le soutien du ministère de la Culture et le Théâtre national Mohammed V, le Prix international de poésie "Argana" 2010 sera remis à Tahar Benjelloun lundi au siège du théâtre national à Rabat lors d’une grande cérémonie, animée notamment par le groupe Nass El Ghiwane.
L’oeuvre de Tahar Benjelloun traduite en plusieurs langues
Tahar Benjelloun peut s’enorgueillir aujourd’hui d’être l’un des écrivains francophones le plus traduit au monde. Ainsi "l’Enfant de Sable" (Seuil 1985) et "la Nuit Sacrée" sont traduits en quarante-trois langues.
Son oeuvre, peuplée d’errants de toutes sortes, peut se lire comme une vaste quête initiatique. Elle touche des publics universels: "un éclat dont il faut rechercher l’origine dans une forme romanesque héritée de la littérature arabe classique, mais au fond tout à fait singulière".
Ici, les charmes et les embuscades du conte à l’orientale conduisent le lecteur vers des contrées dont il ne soupçonne guère le danger. Enfance saccagée, folie et sagesse, désir et cruauté, malentendu de l’homme et de la femme. Un seul sujet: la violence de la vie.
Né à Fès en 1944, Tahar Benjelloun a enseigné au tout début de son parcours la philosophie dans un lycée à Tétouan, où il a commencé à publier des poèmes. Il collabore à la revue "Souffles" avec Abdelatif Laâbi et Mohamed Khaïr-Eddine (1968-1970). En 1973, il devient collaborateur du quotidien français "Le Monde" et voit paraître son premier roman "Harrouda". Une thèse en psychiatrie sociale soutenue en 1975, lui donne matière à travailler sur la population émigrée. Il en résultera plusieurs essais qui ont marqué son parcours littéraire dont "la Plus haute des solitudes" et un roman-poème "la Réclusion solitaire".
La quête de soi, de son identité et de ses racines lui inspirent de nombreux romans: "la Prière de l’absent" (1981), "l’Enfant de sable" (1985), "Jour de silence à Tanger" (1990), "les Yeux baissés" (1991), "la Nuit de l’erreur" (1997).
Les éditions Gallimard à Paris ont publié plusieurs oeuvres de Benjelloun, notamment "Partir", "Le discours du chameau" (Poésie), "Sur ma mère", "Le pays" et tout récemment "Genet, menteur sublime" et "Beckett, Genet, un thé à Tanger" (pièce de théâtre). Ces deux ouvrages viennent d’être édités à l’occasion du 100ème anniversaire de la naissance de l’écrivain français Jean Genet que Tahar Benjelloun avait côtoyé à sa vie et qui fut très attaché au Maroc.