Mnangagwa prêt à prendre les rênes d’un Zimbabwe en ruines
Le successeur du président Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa, s’apprête à prendre le pouvoir au Zimbabwe et promet de s’atteler immédiatement à la reconstruction du pays, qui sort exsangue des 37 ans de règne de son prédécesseur.
A 75 ans, ce fidèle du régime aux rêves de pouvoir longtemps contrariés tient sa revanche. Mais celui que les Zimbabwéens surnomment "le crocodile" n’est pas au bout de ses peines.
"Il hérite d’une économie en lambeaux, d’un parti divisé et d’une population qui a de très fortes attentes", relève jeudi dans son éditorial le journal d’opposition NewsDay.
Mercredi, quelques heures après son retour d’un bref exil sud-africain, M. Mnangagwa a réservé son premier discours de futur président à quelques centaines de partisans réunis devant le siège du parti au pouvoir, la Zanu-PF.
"Aujourd’hui, nous sommes les témoins du début d’une nouvelle démocratie", a-t-il lancé sous les vivats, avant d’appeler "tous les patriotes du Zimbabwe (…) à travailler ensemble".
"Nous voulons relancer notre économie, nous voulons des emplois", a promis M. Mnangagwa. "Je me fais le serment d’être votre serviteur", a-t-il assuré.
Il a été "très clair sur ce dont nous avons besoin: du travail, du travail, du travail. Nous n’avons qu’une chose à ajouter, il faut créer de vrais emplois payés à leur juste valeur", commente jeudi le quotidien d’Etat The Herald.
Avec un taux de chômage estimé à 90%, les Zimbabwéens se contentent pour beaucoup de petits boulots dans l’économie informelle. D’autres ont émigré, souvent chez le géant sud-africain voisin.
Plus largement, Robert Mugabe a laissé derrière lui une économie détruite par ses réformes dévastatrices. L’activité y tourne au ralenti, l’argent manque et le spectre de l’hyperinflation rode.
"J’étais presque en pleurs en écoutant notre nouveau président. Il m’a redonné l’espoir", a confié à l’AFP McDonald Mararamire, un chômeur de 24 ans. "Espérons que ses promesses se concrétisent".
Dans le pays, tous ne partagent pas son optimisme et certains redoutent même que l’euphorie ne tourne à la gueule de bois.
Le départ de Robert Mugabe "est un soulagement mais il ne faut pas trop s’emballer pour le nouveau", a averti Patrick Moyo, un banquier de 38 ans, "n’oublions pas qu’il n’est pas très propre".
Pilier de l’appareil sécuritaire zimbabwéen depuis quatre décennies, M. Mnangagwa, plusieurs fois ministres, s’est signalé comme le fidèle exécuteur des basses besognes de Robert Mugabe.
Selon Amnesty International, "des dizaines de milliers de personnes ont été torturées, ont disparu ou ont été tuées" sous l’ère Mugabe.
Longtemps considéré comme le dauphin de Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa avait été sèchement remercié le 6 novembre, sur ordre de la Première dame, qui espérait elle aussi succéder, le jour venu à son mari. Il avait alors quitté le pays pour des raisons de sécurité.
Son éviction a provoqué dans la nuit du 14 au 15 novembre un coup de force de l’armée, catégoriquement opposée à l’arrivée au pouvoir de l’incontrôlable Grace Mugabe.
Après avoir résisté plusieurs jours, Robert Mugabe a finalement rendu les armes mardi, alors qu’il était sous le menace d’une procédure de destitution lancée par son propre parti.
Cette annonce a suscité des scènes de liesse dans le pays. Portraits décrochés, photos masquées, les Zimbabwéens ont vite signifié leur désir de tourner la page.
Un bandeau noir a même été apposé sur le panneau indicateur d’une route menant vers l’aéroport d’Harare, récemment rebaptisé Robert Mugabe.
L’homme a lui aussi disparu. Invisible depuis mardi, personne ne sait où il se trouve ni quelles sont ses intentions pour la suite. Avec son épouse Grace, il dispose d’un patrimoine mobilier à l’étranger et les spéculations vont bon train sur un possible exil du couple. (afp)