Meurtre d’une journaliste bulgare: pas de motif professionnel a priori
Un homme soupçonné du meurtre et du viol de la journaliste bulgare Viktoria Marinova à Roussé, dans le nord de la Bulgarie, a été arrêté en Allemagne où il s’était enfui, ont annoncé mercredi les autorités bulgares, qui ont exclu « à ce stade » un motif lié à la profession de la victime.
Toutefois, "les preuves que nous avons à ce stade laissent penser à une attaque spontanée pour abuser sexuellement de la victime", a indiqué lors d’une conférence de presse à Sofia le procureur général Sotir Tsatsarov.
Le suspect, dont l’ADN a été retrouvé sur la scène du crime, a été arrêté tard mardi en Allemagne sur la base d’un mandat d’arrêt européen, a précisé le ministre de l’Intérieur bulgare Mladen Marinov. "Nous avons suffisamment de preuves reliant cette personne au lieu du crime et à la victime", a-t-il souligné.
Dénommé Severin Krasimirov, le suspect, un Bulgare né en 1997, était déjà recherché pour meurtre et pour viol, a indiqué M. Tsatsarov. Il habitait dans le voisinage et s’est enfui en Allemagne par la route via la Roumanie dimanche, au lendemain du crime, a-t-il ajouté.
Il a été arrêté à Stade, près de Hambourg, a précisé dans un communiqué en Allemagne le chef de la police de Basse-Saxe, Friedo de Vries, saluant une coopération policière "exemplaire". "De la prise de contact à l’arrestation quelques heures seulement se sont écoulées", a-t-il souligné.
Le profil du suspect et le mode opératoire rendent plus incertaine l’hypothèse d’un assassinat lié au travail de la victime, qui s’était récemment intéressée à des allégations de corruption impliquant hommes d’affaire et élus.
"A ce stade, nous ne considérons pas que le meurtre soit lié à l’activité professionnelle de la victime", a reconnu M. Tsatsarov. "Mais nous continuons à étudier toutes les hypothèses", a-t-il souligné.
– ‘Traînés dans la boue’ –
Le meurtre de la journaliste a suscité une vague de condamnations internationales y voyant un assassinat politique dans un pays régulièrement épinglé pour sa corruption endémique et l’inefficacité de son système judiciaire.
Le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans avait ainsi rendu hommage dimanche à "une journaliste courageuse tombée dans la lutte pour la vérité et contre la corruption".
Le Premier ministre bulgare Boïko Borissov a ironisé mercredi sur ces conclusions trop hâtives à ses yeux: "En tout juste trois jours, j’ai lu des choses monstrueuses sur la Bulgarie", a-t-il relevé devant la presse.
"Nous, en tant que pays, n’avons pas mérité d’être ainsi traînés dans la boue en quelques jours, alors que tout le monde travaillait non pas à 100% mais à 1.000%" pour résoudre le crime, a-t-il ajouté.
La Bulgarie, lanterne rouge de l’UE en matière de liberté de la presse, selon les ONG spécialisées, est classée à la 111e place mondiale sur 180 dans le dernier rapport de Reporters sans Frontières (RSF).
La commission européenne avait annoncé lundi saisir l’OLAF, l’office européen de lutte contre la fraude, sur des allégations d’escroquerie aux fonds européens en Bulgarie évoquées dans l’émission de Viktoria Marinova.
Plusieurs observateurs internationaux avaient relevé que la présentatrice était la troisième journaliste tuée en un an en Europe après le reporter Jan Kuciak en Slovaquie en février et la journaliste maltaise Daphné Caruana Galizia en octobre 2017.
Des veillées avaient rassemblé lundi soir à Sofia et Roussé des centaines de personnes venues rendre hommage à la journaliste à la lueur de bougies.
Des experts bulgares avaient douté d’un mobile politique dans le meurtre de la présentatrice, soulignant que son travail ne relevait pas à proprement parler de l’investigation et que cette hypothèse ne s’accordait pas avec le mode opératoire du crime.
Selon l’ONG Comité d’Helsinki, 19 femmes ont trouvé la mort en Bulgarie cette année à la suite d’agressions.