Il faut distinguer une raison structurelle et une autre conjoncturelle. D’abord, la société française devient plus âgée, plus craintive, plus conservatrice, dans un monde qui est, lui, plus ouvert, plus compétitif et plus innovant. Deux réalités s’entrechoquent. Les candidats populistes, partout en Europe, savent utiliser l’inquiétude qui en découle. Ensuite, la crise économique et financière fait office d’accélérateur: elle démontre pour l’extrême droite l’échec des élites, incompétentes donc illégitimes. Cela forge un discours populiste.
L’extrême droite séduit-elle de nouveaux électeurs?
Jusqu’ici, l’électorat du Front national se trouvait parmi la population d’origine modeste. Les classes populaires ont beaucoup voté pour le FN, qui a pris des électeurs à la droite et à la gauche, comme on sait. Beaucoup de jeunes aussi, même si cela est moins connu. Le record de popularité atteint par Marine Le Pen signifie qu’elle intéresse une partie des classes moyennes que je situe dans la partie basse de l’échelle sociale. Cette catégorie de la population est fragilisée par la crise. Elle pèse un quart de la population active. C’est une proie politique stratégique pour 2012, qui permettrait d’installer durablement le FN autour de 15%, bien au-dessus de son socle de 7% à 10%.
Marine Le Pen peut-elle priver Nicolas Sarkozy d’un second tour ou d’une victoire en 2012?
Elle représente un danger pour Nicolas Sarkozy. Elle peut fragiliser son score au premier tour et gêner le report des voix au second. Si le FN réalise un score élevé, cela signifiera qu’il aura pris des voix à la gauche. Celles-ci n’iront pas forcément vers le candidat de droite ensuite. Le report peut se jouer sur des thématiques sociales, sur le logement ou la fiscalité. Mais, pour cette même raison, Marine Le Pen est aussi un danger pour le PS. On l’a vu le 21 avril 2002, qui a prouvé que l’essor du FN produisait des effets très mal anticipés. Le Parti communiste fut le premier à en faire les frais.