MAM : «La République se vit à visage découvert»
.Les députés français entament mardi le débat sur l’interdiction de la burqa. La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, défendra le projet de loi.
Plusieurs députés socialistes et communistes avaient déjà dit qu’ils voteraient le texte, et les
déclarations de Jean-Marc Ayrault [président du groupe PS à l’Assemblée, ndlr] sont encourageantes. L’idéal, ce serait le consensus le plus large possible. J’espère que nous y arriverons, même si j’ai cru comprendre qu’il ne fallait pas compter sur certains votes. Que des textes soient clivants, cela ne me dérange pas, c’est la démocratie. Mais quand on touche aux valeurs républicaines, il faut se rassembler.
Au final, c’est bien l’interdiction pure et simple que le gouvernement propose ?
Nous avons beaucoup discuté, écouté les analyses des uns et des autres. Nous avons abouti à un texte pédagogique et préventif qui prévoit une interdiction dans l’ensemble de l’espace public.
On parle de quelques centaines de femmes. N’utilise-t-on pas, comme l’a dit Gérard Collomb, le marteau-pilon pour écraser une mouche ?
On ne peut pas dire cela. Ce qui est en jeu, ce sont les fondements de la République et du vivre-ensemble. Ce texte, je le porte au nom de l’unité nationale. Il n’est pas question de voile dans le projet de loi, mais de la dissimulation volontaire du visage par tout moyen. C’est très important : il n’est pas question de religion. Nous affirmons un principe qui est que la République se vit à visage découvert. Ça fait partie du pacte républicain. La République refuse le communautarisme, et se cacher le visage, refuser d’appartenir à la société, c’est le fondement du communautarisme.
N’a-t-on pas cédé, à l’UMP, à l’exploitation politicienne de la burqa ?
Parmi les députés qui se sont le plus investis, beaucoup sont issus de circonscriptions où le problème se pose. C’est aussi bien le cas de Jean-François Copé que celui du communiste André Gerin. Ce ne sont pas des calculs politiques, mais une réponse à des réalités de terrain.
Selon l’opposition, le texte ne passera pas la censure du Conseil constitutionnel…
Le Conseil d’Etat a pointé des incertitudes en se fondant sur l’équilibre entre défense de l’ordre public et libertés. Mais nous sommes sur un autre terrain qu’on pourrait appeler un ordre public sociétal. Le Conseil d’Etat connaît cette notion : c’est cet ordre public sociétal qui fonde l’interdiction de se promener nu dans la rue, par exemple.
Martine Aubry avait parlé d’un débat «stigmatisant»…
D’abord, le voile intégral est une pratique dont les musulmans de France, en premier lieu le CFCM [Conseil français du culte musulman, ndlr], disent qu’elle n’est prescrite par aucun texte coranique. Ensuite, il ne s’agit pas de stigmatiser les femmes qui portent le voile. Pour nous, elles sont plutôt des victimes. Enfin, le projet porte sur toutes les personnes qui dissimulent leur visage, et il prévoit une période de six mois consacrée à la pédagogie, avant toute sanction. Après, les juges pourront ordonner soit des stages de citoyenneté, soit une amende de 150 euros, soit les deux. Pour celui qui obligerait une personne à cacher son visage, la sanction pénale pourra aller jusqu’à un an de prison et 30 000 euros d’amende. Ce montant résulte d’un amendement similaire de la majorité et du groupe socialiste.
La burqa est en débat depuis plus d’un an. Pour combien de temps encore ?
Le texte est discuté aujourd’hui à l’Assemblée, puis en septembre au Sénat. L’urgence n’a pas été demandée, mais un vote conforme rappellerait avec force les valeurs que nous partageons tous. Il est très important de rappeler ces principes républicains, mais il faut aussi passer à autre chose.