Macron plaide pour une « armée européenne » capable d’agir

Le président français Emmanuel Macron a appelé mardi de ses voeux la création d’une « véritable armée européenne » pour mieux protéger le Vieux Continent, rappelant son ambition de donner corps à une Europe de la Défense qui peine à émerger.

Des propos tenus à la veille de la première réunion à Paris d’une coalition de neuf pays, signataires de l’Initiative européenne d’intervention (IEI). Ce projet, lancé par la France, vise à intensifier les échanges entre états-majors pour pouvoir réagir rapidement et de façon coordonnée en cas de besoin (opération militaire classique, catastrophe naturelle, évacuation de ressortissants…).

"On ne protègera pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne", a plaidé le président français dans une interview mardi sur la radio Europe 1. "Face à la Russie qui est à nos frontières et qui a montré qu’elle pouvait être menaçante (…) on doit avoir une Europe qui se défend davantage seule, sans dépendre seulement des Etats-Unis et de manière plus souveraine".

Selon M. Macron, il faut "nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des Etats-Unis", qui viennent de se retirer d’un traité de désarmement nucléaire datant des années 80, et dont le président Donald Trump critique régulièrement l’Otan, au point de faire douter ses alliés européens de la fiabilité de Washington en cas d’agression.

Il n’existe pour l’heure aucune armée européenne supranationale. Le sujet, récurrent, reste miné car il touche au coeur la souveraineté des Etats-membres.

"Le président a utilisé cette image forte d’une +armée européenne+ pour rappeler, à la veille du 11 novembre, la nécessité pour les Européens de renforcer leur capacité à agir de manière autonome", explique-t-on de source française, laissant entendre que M. Macron ne parlait pas de troupes supranationales mais plutôt d’actions nationales coordonnées.

L’Europe de la Défense a récemment enregistré des avancées, avec deux nouveaux mécanismes dans le cadre de l’UE: la Coopération structurée permanente (programmes d’équipements communs), rassemblant 25 Etats membres, et le Fonds européen de défense, doté de 13 milliards d’euros pour financer recherche et capacités.

Mais Emmanuel Macron ambitionne d’aller plus loin. Lors d’un discours à la Sorbonne l’an dernier, il avait proposé de faire travailler ensemble plusieurs Etats-membres capables d’agir hors des structures existantes de l’Otan ou de l’UE, de manière plus flexible, afin de développer une "culture stratégique partagée" et contribuer à faire émerger l’"autonomie stratégique européenne".

‘puissants désaccords’

L’Initiative européenne d’intervention (IEI), qui a vu le jour en juin, rassemble neuf États "volontaires et capables": la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l’Estonie, l’Espagne et le Portugal. De source proche du dossier, la Finlande s’apprête à les rejoindre.

Mercredi se tiendra leur première réunion, pour déterminer les risques et les menaces sur lesquels leurs commandements militaires seront chargés de plancher ensemble.

"Après le passage de l’ouragan Irma (dans les Antilles en septembre 2017, NDLR), on a mis trois jours à coordonner nos opérations de secours entre Français, Britanniques et Néerlandais. Grâce à l’IEI on mettra une journée", promet-on à Paris.

"Les résultats de l’IEI seront seulement visibles lorsqu’émergera la prochaine crise et que ses participants décideront d’agir ensemble", notent les analystes Alice Billon-Galland (European Network Leadership) et Martin Quencez (German Marshall Fund) dans une note publiée par le Berlin Policy Journal.

Ce nouveau cadre de coopération va également mettre à l’épreuve la capacité des partenaires à partager une vision stratégique commune.

Car si M. Macron pense que "l’Europe ne peut plus remettre sa sécurité aux seuls États-Unis", certains pays membres comptent avant tout sur l’Otan pour les défendre.

La Belgique, membre de l’IEI, a récemment décidé d’acheter des avions de combat F-35 américains plutôt qu’européens, allant "stratégiquement a contrario des intérêts" du Vieux continent, a déploré le président français.

Quant aux Allemands, "ils ont dans leurs gènes depuis 1945 la structure transatlantique", admet un haut responsable français.

"L’idée de créer une culture stratégique commune n’est pas mauvaise. Mais il existe un écart fantastique entre l’Europe de la Défense dont rêve Emmanuel Macron et la réalité de très puissants désaccords entre partenaires européens sur les questions de défense", commente Bruno Alomar, professeur à l’Ecole de Guerre et ex-haut fonctionnaire européen.

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