Macron lance une loi contre le « séparatisme islamiste »
Neutralité renforcée dans les services publics, charte de la laïcité pour les associations: Emmanuel Macron a appelé vendredi à s' »attaquer au séparatisme islamiste » et son projet de « contre-société », en annonçant les mesures prévues dans un projet de loi qui sera présenté le 9 décembre.
« Ne nous laissons pas tomber dans le piège de l’amalgame tendu par les polémistes et les extrêmes qui consisterait à stigmatiser tous les musulmans », a aussi exhorté le président dans un discours très attendu prononcé aux Mureaux (Yvelines), appelant au passage à « libérer l’islam en France des influences étrangères ».
Emmanuel Macron a fait le constat que « l’islam est une religion qui vit une crise aujourd’hui partout dans le monde. Nous ne le voyons pas que dans notre pays. (…) C’est une crise profonde liée à des tensions entre des fondamentalismes, des projets religieux et politiques qui (…) conduisent à un durcissement très fort ».
« Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste », a-t-il lancé : « Il y a dans cet islamisme radical, puisque c’est le coeur du sujet (…), une volonté revendiquée d’afficher une organisation méthodique pour contrevenir aux lois de la République et créer un ordre parallèle d’autres valeurs, développer une autre organisation de la société ».
Évoquant « le terreau » sur lequel ce « séparatisme islamiste » s’est construit, il a évoqué « les insuffisances de notre politique d’intégration » et dénoncé « la ghettoïsation » des quartiers, où « la promesse de la République n’a plus été tenue ».
Quant au « passé colonial » de la France, certains « traumatismes » n’ont « toujours pas été réglés avec des faits fondateurs dans la psyché collective », a-t-il estimé, en évoquant la guerre d’Algérie.
« Nous ne le terrasserons pas en un jour mais c’est ensemble que nous devons, dans un réveil républicain, nous opposer à ceux qui veulent nous séparer », a estimé le chef de l’Etat.
Il a annoncé une série de mesures qui figureront dans le projet de loi qui, « 115 ans après l’adoption définitive de la loi de 1905, visera à renforcer la laïcité, à consolider les principes républicains ».
Le texte prévoira l’extension de l’obligation de neutralité aux salariés des entreprises délégataires de service public.
L’instruction scolaire à domicile sera « strictement limitée » au profit de la fréquentation obligatoire de l’école dès l’âge de 3 ans, et les établissements hors-contrat subiront des contrôles renforcés.
Pour les associations, les motifs de dissolution seront étendus à l' »atteinte à la dignité » ou la « pression psychologique ou physique ». Toute association sollicitant une subvention publique devra par ailleurs signer une charte de la laïcité.
« politique du soupçon »
Reporté à plusieurs reprises, son discours était très attendu, dans la perspective d’une présidentielle qui pourrait se jouer sur les questions de sécurité et d’autorité de l’Etat.
A-t-il changé depuis le début du quinquennat, quand ce sujet ne lui semblait pas prioritaire ? « Heureusement ! », a-t-il reconnu, se défendant d’être un « libéral libertaire » même si certains de ses soutiens le sont.
Il a insisté sur le fait que ces mesures ne visent pas à « stigmatiser » les musulmans. Et au passage répété qu’il n’était pas en faveur d’interdire le voile aux mères qui accompagnent les sorties scolaires.
Avant même le discours, la droite et l’extrême droite ont exprimé leur scepticisme quant à la détermination d’un président qu’elles jugent « mal à l’aise », voire « tétanisé » sur ce sujet.
« Après les incantations, il faut qu’on passe aux actes. C’est un sujet que le président a repoussé depuis maintenant plus de deux ans et demi », a déclaré Gérard Larcher, le président (LR) du Sénat, sur franceinfo.
A gauche, l’offensive d’Emmanuel Macron est dénoncée comme électoraliste et éloignée des préoccupations des Français en pleine crise sanitaire et économique du Covid-19. « La République ne peut être confondue avec une politique du soupçon. Cette stratégie gouvernementale qui encourage la défiance de masse est irresponsable », a jugé le député LFI Alexis Corbière.