Les Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, une solution financière pour l’Afrique ?
Le FMI, la Banque mondiale et les dirigeants africains appellent à une action internationale rapide pour soutenir les pays d’Afrique et leur permettre de faire face à la pandémie de covid-19. Les conséquences économiques en seront lourdes, avec une contraction du PIB estimée à 1,25% cette année.
Les besoins en infrastructures médicales sont immenses, estimés pour un coût d’au moins 114 milliards d’USD. Les promesses de soutien des créanciers bilatéraux, multilatéraux et privés sont insuffisantes et il reste encore 44 milliards de dollars à mobiliser. Peu de pays disposent d’un système de santé capable de faire face à une épidémie massive comme l’a supporté la Chine.
Dans ce contexte, ne conviendrait-il pas d’utiliser un mécanisme financier qui a déjà fait preuve de son efficacité dans la crise financière mondiale : les Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI. C’est ce que préconise en tout cas l’ancien ministre de l’Économie et des Finances et ex-directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, dans une analyse à paraître dans le numéro de printemps de Politique internationale, sous le titre « L’être, l’avoir et le pouvoir dans la crise. »
Que sont les DTS ? C’est un avoir de réserve international complémentaire, c’est-à-dire une monnaie internationale fictive basée sur un panier de devises de référence : le dollar américain à hauteur de 41,73%, l’Euro (30,93%), le renminbi chinois (10,92%), le yen japonais (8,33%) et la livre sterling (8,09%). Mentionnons que le renminbi chinois est entré dans le calcul des DTS à compter du 1er octobre 2016. Le cours du DTS (ou SDR : Spécial drawing right) est calculé chaque jour par le FMI, dont il est en même temps l’unité de compte.
L’avantage des DTS, c’est de venir augmenter les réserves des banques centrales et permettre aux pays en développement de se procurer des hard currencies. Les DTS représentent une créance virtuelle sur les monnaies librement utilisables des pays membres du FMI et permettent à ses détenteurs de se procurer ces monnaies en échange de leurs DTS. LE FMI a aussi l’initiative de désigner des pays membres dont la position extérieure est forte pour acquérir des DTS de pays membres dont la position extérieure est faible.
Les DTS sont alloués aux pays membres du FMI proportionnellement à leur quote-part. Il n’y a eu depuis leur création (1969) que trois allocations générales dont la dernière (allocation générale spéciale afin de rectifier les disparités entre pays ayant adhéré au FMI après 1981 et qui n’avaient jamais reçu d’allocation de DTS) remonte au 28 août 2009 pour un montant de 161,2 milliards de DTS.
Pour Dominique Strauss-Kahn, rien n’empêche de réactiver le mécanisme des DTS, et donc de procéder à une nouvelle émission massive ; rien, sauf l’allergie américaine à tout ce qui ressemble à une action multilatérale, allergie que la tiédeur des Européens n’aide pas à contrebalancer.
L’allègement des dettes des pays à bas revenus et l’émission massive de DTS sont aujourd’hui un passage obligé pour contribuer à éviter une catastrophe économique dont les conséquences rejailliront au-delà des rives de la Méditerranée.
*Didier Lacaze, analyste financier (SFAF), ancien banquier d’affaires