Le régime syrien rejette un accord américano-turc sur une zone tampon

Le régime syrien a rejeté jeudi un accord américano-turc en vue d’établir une "zone de sécurité" dans le nord de la Syrie en guerre, une région contrôlée par les Kurdes qui ont réservé un accueil prudent à cette initiative.

Mercredi, la Turquie, voisine de la Syrie, et les Etats-Unis ont décidé d’établir un "centre d’opérations conjointes" pour coordonner la création de cette zone tampon, une mesure visant à éviter une offensive turque contre les Kurdes, alliés des Américains mais honnis par Ankara.

Aucun détail n’a cependant été dévoilé sur la profondeur de la zone, les forces qui la contrôleraient ou le calendrier de l’application de l’accord. La Turquie conçoit cette zone comme un tampon entre sa frontière et les positions des forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) à l’est du fleuve de l’Euphrate en Syrie, jusqu’à la frontière irakienne.

Soutenues et armées par les Etats-Unis contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), les YPG sont toutefois considérées par Ankara comme une "organisation terroriste".

"La Syrie rejette catégoriquement l’accord des occupants américain et turc sur la création de ce qui est appelé zone de sécurité", a indiqué le ministère des Affaires étrangères à Damas.

Pour le régime de Bachar al-Assad, qui a réussi à reprendre avec l’aide cruciale de l’allié russe le contrôle de plus de 60 % du territoire syrien depuis 2015, l’accord américano-turc constitue "une agression flagrante" contre sa souveraineté.

D’autant que ce régime a pour objectif de se redéployer dans les zones contrôlées par les Kurdes et a entamé avec ces derniers des négociations dans ce sens.

Flous

De son côté, un haut responsable politique kurde, Aldar Khalil, s’est voulu prudent, estimant que les détails de l’accord restaient flous.

"Nous évaluerons l’accord en fonction des détails et des faits, et non des gros titres", a-t-il déclaré à l’AFP. Le président turc Recep Tayyip Erdogan "insiste toujours sur l’élimination de notre présence", a-t-il ajouté.

Les Kurdes, une minorité ethnique longtemps marginalisée en Syrie, ont créé une zone autonome dans le Nord à la faveur du conflit déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie avant de se complexifier avec l’implication de multiples acteurs régionaux et internationaux.

La Turquie voit d’un mauvais oeil le projet d’autonomie à sa frontière, par crainte qu’un noyau d’Etat kurde ne galvanise les velléités séparatistes sur son sol du Parti kurde turc des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui lui livre une guérilla depuis 1984. Et elle dénonce régulièrement les liens entre les YPG et le PKK.

Depuis 2016, l’armée turque, avec l’aide de certains groupes rebelles syriens qu’elle soutient, a lancé deux offensives dans le nord syrien, s’emparant d’Afrine, l’un des trois cantons de la région autonome kurde.

Des soldats turcs sont en outre déployés dans des zones des provinces d’Alep (nord) et d’Idleb (nord-ouest).

Les soldats américains sont eux présents dans les zones kurdes, principalement autour des villes de Minbej, Kobané et Aïn Issa.

"Très bon début"

La Turquie a multiplié les menaces d’intervention contre les kurdes syriens, après de précédentes négociations infructueuses avec les Etats-Unis sur la zone "tampon", lancées après l’annonce en janvier d’un futur retrait américain de Syrie.

Pour Ankara, la "zone de sécurité" aura aussi vocation à devenir un "couloir de paix" où pourraient s’installer les réfugiés syriens, qui sont plus de 3,6 millions à avoir rejoint la Turquie.

Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a qualifié l’accord de "très bon début". Il a néanmoins prévenu que son pays ne permettrait pas qu’il se transforme en une "manoeuvre dilatoire". "Il doit être mis en application", a-t-il dit, sans toutefois avancer de calendrier.

Face aux menaces turques, les Kurdes avaient entamé en 2018 des négociations avec le régime syrien sur l’avenir de leurs régions mais sans progrès, le pouvoir refusant toute autonomie aux Kurdes.

Les Affaires étrangères syriennes ont accusé les Kurdes d’être un "outil" dans ce "projet hostile" américano-turc en raison de leur alliance avec Washington, et les ont appelés "à retourner dans le giron national".

En plus de huit ans, la guerre en Syrie a fait plus de 370.000 morts et déplacé des millions de personnes.

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