Le pape au Chili et au Pérou, en porte-voix des indigènes
Le pape argentin sera de retour la semaine prochaine en Amérique latine, au Pérou et au Chili, une tribune pour soutenir les peuples indigènes et revigorer des Eglises locales en perte de popularité, frappées notamment par des scandales de pédophilie.
Le Chili est en pleine transition, après la victoire à la présidentielle de décembre du milliardaire conservateur Sebastian Piñera, qui entrera en fonction en mars, suscitant des interrogations sur les réformes sociétales de la socialiste sortante Michelle Bachelet.
Le Pérou s’enfonce de son côté dans une profonde crise, depuis la grâce accordée à Noël à l’ex-président péruvien Alberto Fujimori, condamné pour corruption et crimes. Très critiqué pour cette décision, le chef de l’Etat, Pedro Pablo Kuczynski, ex-banquier de Wall Street, a lui-même échappé à une destitution pour ses liens avec le géant du BTP brésilien Odebrecht.
Le premier pape latino-américain de l’Histoire – pourfendeur des inégalités sociales et de la corruption qui frappe les pauvres- fera-t-il passer quelques messages politiques à ses hôtes ?
Les temps forts du 22ème voyage de son pontificat –du 15 au 18 janvier au Chili, puis du 18 au 21 janvier au Pérou– seront indubitablement ses rencontres avec des peuples indigènes. Au Chili et au Pérou, le pape déjeunera avec eux en petit comité pour s’enquérir de leur sort.
A Temuco, à plus de 600 km au sud de Santiago du Chili, le pape argentin s’adressera aux indigènes Mapuche (7% de la population chilienne), qui occupaient un vaste territoire à l’arrivée des conquistadors espagnols au Chili en 1541. Cette région, Auracania, est toutefois rythmée par des actions d’une minorité radicalisée, qui incendie des entreprises forestières mais aussi des églises. Le pape n’y est donc pas le bienvenu pour tous.
A Puerto Maldonado, au coeur de l’Amazonie dans le sud-est du Pérou, François sera accueilli par quelque 3.500 indigènes, dont certains de Bolivie et du Brésil. Preuve de l’intérêt qu’il porte aux menaces environnementales pesant sur ce poumon vert et ses habitants, parfois réduits à l’esclavage par des trafiquants, le pape a convoqué pour 2019 un synode (réunion mondiale d’évêques) consacré aux peuples d’Amazonie.
Au Pérou, François renouera aussi avec "la piété populaire" latino-américaine, dont il apprécie la simplicité et la chaleur, décrit le cardinal et archevêque de Lima, Juan Luis Cipriani.
Les conservatrices Eglises du Chili et du Pérou, discréditées par des scandales d’abus sexuels, "ont besoin d’un choc" pour être plus attentives aux problèmes de la population, souligne un proche du pape, notant que François voyage toujours dans des pays "à problèmes".
Moins médiatisées que ses bains de foule, ses rencontres avec des religieux sont l’occasion de les appeler à être à l’écoute des fidèles et à laisser de côté un "cléricalisme" rigide.
"Sous la dictature de Pinochet, l’Eglise était perçue comme un point de référence pour la protection des droits humains. Aujourd’hui la sécularisation a réduit son rôle", explique l’ambassadeur chilien auprès du Saint-Siège, Mariano Fernandez Amunategui.
"La visite du pape jouera un rôle très positif pour l’Eglise", note-t-il, en évoquant les ravages faits en 2010 par le cas du prêtre Fernando Kardima, reconnu coupable d’abus sexuels contre des mineurs au cours d’un procès du Saint-Siège.
Selon la base de données de l’ONG américaine Bishop Accountability, des dénonciations pour abus sexuels ont concerné près de 80 religieux au Chili.
Le pourcentage d’athées est passé au Chili de 12% à 22% entre 2006 et 2014.
Le Vatican a annoncé mercredi avoir mis sous tutelle un mouvement catholique péruvien formé de laïcs, Sodalitium Christianae Vitae, dont le fondateur Luis Fernando Figari, réfugié à Rome, est au coeur d’une enquête pour pédophilie.
Si des rencontres avec des victimes ne figurent pas au programme officiel, elles pourraient avoir lieu très discrètement, selon le Vatican.
A Iquique, à 1.450 km au nord de la capitale chilienne, le pape aura en tout cas une rencontre privée avec deux victimes de la dictature militaire d’Augusto Pinochet.
Ce voyage tabour battant (plus de 30.000 km parcouru sur dix vols) sera aussi une machine à remonter le temps pour l’Argentin Jorge Bergoglio, 81 ans, qui étudia au Chili lors de son noviciat jésuite et retrouvera l’un de ses anciens camarades. (afp)