Le Maroc gère ses « revenants », selon son chef de l’antiterrorisme

Le Maroc s’emploie à appréhender et juger, à leur retour au pays, ses ressortissants partis combattre sous la bannière du groupe jihadiste Etat islamique (EI), affirme dans un entretien à l’AFP le chef de l’antiterrorisme marocain.

"Nous en sommes à plus de 200 +revenants+ interpellés et traduits devant la justice", explique Abdelhak Khiam, directeur du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), en précisant qu’ils "écopent de peines allant de 10 à 15 ans" de prison.

"Notre législation a été complétée en 2015 (…), elle permet aux services de police d’appréhender les +revenants+, de les soumettre à des interrogatoires et les traduire devant la justice", explique-t-il.

En 2015, le nombre de Marocains dans les rangs de groupes jihadistes en Irak et en Syrie était estimé à plus de 1.600.

"Certains sont tombés dans des opérations kamikazes ou ont été abattus par les forces de coalition (internationale antijihadistes). D’autres ont pris la fuite vers d’autres pays", affirme M. Khiam dans son bureau à Salé, près de la capitale Rabat.

Si le royaume a été épargné par les attaques de l’EI, des Marocains de la diaspora sont régulièrement impliqués dans des attentats en Europe: en France, à Paris en 2015 (130 morts) et Carcassonne en 2018 (4 morts), en Belgique, à Bruxelles (32 morts en 2016), ou en Espagne, à Barcelone et Cambris (16 morts en 2017) et Madrid (191 morts en 2004).

Le patron du BCIJ y voit avant tout un "problème d’encadrement religieux" dans les pays d’accueil en Europe et souligne que "le terrorisme n’a pas de nationalité".

Au Maroc, pays meurtri par des attaques islamistes en 2003 à Casablanca (33 morts) et 2011 à Marrakech (17 morts), l’approche sécuritaire s’est doublée d’une vaste réforme du champ religieux et "cette approche basée sur l’encadrement religieux est importante", plaide M. Khiam.

Sahel, "bombe à retardement"

Depuis ces attentats, la législation marocaine a été renforcée et des dizaines de peines de prison ont été prononcées dans des affaires de terrorisme.

Les autorités du royaume annoncent encore fréquemment le démantèlement de "cellules terroristes", même si les chiffres sont en baisse, "de 21 en 2015 (date de la création du BCIJ) à 19 en 2016 puis à 9 en 2017", selon M. Khiam.

Abdelhak Khiam met également en avant le rôle de son pays dans la coopération internationale contre le terrorisme. "Grâce à nos services (de renseignement), des attentats ont été déjoués en France, Belgique, Allemagne, Angleterre, Danemark, Italie et Espagne", assure-t–il, sans fournir plus de détail.

Mais il peut y avoir des "lacunes", admet-il. Comme pour les attaques perpétrées en mars à Carcassonne, dans le sud de la France, par un Franco-marocain fiché, Radouane Lakdim.

M. Khiam regrette que les "services marocains n’aient pas été informés (…) alors que (Lakdim) venait de temps en temps rendre visite à sa famille dans son pays d’origine", le Maroc. "Si des binationaux sont suspectés d’appartenir à des mouvances extrémistes, le plus simple est de le signaler au pays d’origine", dit-il.

Le chef de l’antiterrorisme marocain s’inquiète par ailleurs au sujet du Sahel, "terrain fertile" pour les groupes jihadistes et "bombe à retardement".

M. Khiam se montre notamment préoccupé par "les connexions entre les réseaux criminels et les mouvances terroristes". Ces dernières sont financées par "d’autres formes de criminalité", dit-il.

Au Sahel, zone semi-désertique d’Afrique de l’ouest vaste comme l’Europe, des dizaines de groupes jihadistes aux alliances mouvantes occupent les espaces laissés vacants par les Etats et multiplient les attaques, malgré les opérations militaires de la France et des pays du G5-Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie).

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